Nadelman, sur les rives du classique

Figure aujourd’hui méconnue d’une histoire de la sculpture du XXe siècle, Élie Nadelman (1882-1946) se situe pleinement, suivant la formule consacrée, entre classicisme et modernité. Originaire de Varsovie où il suit les cours de l’École d’art, il vient s’installer à Paris au début du siècle pour émigrer en 1914 aux États-Unis.    
Il y fait carrière, et en devient citoyen en 1927. Pendant les dix ans de son séjour parisien, Élie Nadelman est présent sur le front de toutes les avant-gardes, et son œuvre suscite la curiosité, tant de ses collègues que des critiques et des collectionneurs de renom, de Picasso à Guillaume Apollinaire et Léo Stein. Ses participations au Salon d’Automne, entre 1905 et 1907, témoignent de son irrésistible attraction pour des formes que l’on ne peut nommer abstraites mais qui n’en appellent pas moins aux procédures radicales d’abstraction. Ses têtes d’hommes et de femmes n’ont d’ailleurs pas d’autre objectif que de mettre en évidence des « rapports de formes » et des « recherches de volumes », ainsi que l’énoncent leurs titres. Taillées dans le marbre ou dans le bois, déclinées sur le mode sériel, comme cette Tête idéale, les sculptures de Nadelnam sont en quête d’une beauté plastique et d’une pureté formelle familières aux œuvres de Modigliani et de Brancusi. Comme eux l’artiste n’hésite pas à simplifier la forme, voire à la déstructurer, pour mieux en exprimer l’essence, mais son admiration sans bornes pour les exemples d’un passé antique le ramène toujours sur la rive classique. Farouchement indépendant, il développe une œuvre singulière qui, si elle n’est pas franchement pionnière, délivre parfois quelques heureuses surprises, notamment des dessins au trait d’une puissante expressivité.