Giorgio de Chirico, la métaphysique 1888-1919

Consacrer un ouvrage luxueux à la métaphysique chez Giorgio de Chirico est un pari osé. L’artiste appartenant au Panthéon des grands de ce siècle, son œuvre fut maintes fois commentée. Néanmoins, malgré de multiples études, sa peinture métaphysique est encore sujette à discussions, voire à méprise. Il est vrai que la portée de son projet pictural demeurait oblitérée par l’interprétation qu’en avaient donnée les surréalistes, grands manipulateurs d’œuvres pour les besoins de leur cause. Or, en près de cinq cents pages magnifiquement illustrées, Paolo Baldacci démontre avec rigueur l’évolution de ce maître italien jusqu’à l’aube des années vingt. Correspondances, articles d’époque, analyses iconologiques servent cette étude citant les sources philosophiques et artistiques qui ont influencé Chirico. L’un des passages les plus pénétrants de ce livre consiste en une analyse des écrits de Schopenhauer et de leurs incidences sur la conception du monde selon de Chirico. En rupture totale avec la vision kantienne qui voulait que seuls les phénomènes sensibles puissent faire l’objet d’une connaissance fondée sur la raison, Schopenhauer affirme que le réel n’est qu’une vue de l’esprit. Fort de cette révélation, de Chirico construit lentement un système de représentation métaphysique impliquant une totale absence de rationalité. L’architecture et les figures deviennent des métaphores plastiques d’une autre compréhension de la réalité. Personnage souvent antipathique, Giorgio de Chirico avait une haute opinion de son talent. Ainsi ses relations avec l’intelligentsia française n’étaient pas exemptes de mesquineries et de jalousies. La chronique de ses rencontres avec Apollinaire, Picasso ou Carrà constitue un autre aspect passionnant de ce livre à la lecture parfois difficile.