Rippl-Rónai, prophète en son pays

L'ŒIL

Le 1 décembre 1998 - 403 mots

Après une première escale à Budapest, les deux-cent-cinquante peintures, dessins, pastels, objets d’art décoratif de la grande rétrospective du peintre Rippl-Rónai ont pris le chemin du Prieuré. Un choix qui ne doit rien au hasard puisque ses œuvres sont ainsi exposées dans la maison de son confrère et ami Maurice Denis, non loin de ce Paris à l’influence si déterminante sur le peintre hongrois. Dès 1886, l’artiste, qui faisait ses premières armes à l’Académie de Munich, écrivait à ses parents « J’ai envie d’aller à Paris car, à mon avis, c’est la Mecque des arts ». Il s’y nourrira de l’esthétisme de Gauguin, de Whistler et du japonisme. Tournant la page du réalisme de ses débuts, il introduit dans sa peinture un principe d’égalitarisme (« tous les détails ont la même importance et sont peints d’une facture unique ») et s’oriente vers des harmonies sombres. En 1894, c’est le succès. Au Salon du Champ de Mars, il présente sa Grand-mère. La toile attire immédiatement l’attention de Gauguin, de Bonnard, de Roussel ; tous cherchent à rencontrer son auteur. La personnalité et le talent de Rippl-Rónai font l’unanimité parmi les Nabis qui, l’honorant du surnom de « Nabi hongrois », lui reconnaissent une place parmi eux. Seule ombre au tableau : tandis que les effusions laudatives se succèdent en France, sa Hongrie natale continue de lui opposer une blessante indifférence. Sa peinture déconcerte et, parmi ses compatriotes, seul le comte Tivadar Andrássy saura précocement apprécier ses audaces. À sa demande, Rippl-Rónai réalise, en 1896, la décoration de la salle-à-manger de son hôtel de Budapest, l’un des premiers décors Art Nouveau en Hongrie. Après un séjour à Banyuls-sur-mer qui le réconcilie avec la couleur et la perspective, le peintre décide enfin de mettre un terme à son exil tout en imprimant de nouveaux tours à son art. Il renoue notamment avec une certaine forme de réalisme, puisant ses sujets dans ses souvenirs d’enfance, sa vie quotidienne et sa famille. Sa technique reste toutefois étonnamment hardie ; en témoigne la série de tableaux « à grains de maïs » où l’artiste juxtapose, en de rapides coups de pinceaux, des jaunes, bruns et roux flamboyants qui n’ont rien à envier aux ardeurs fauves. En 1911, l’État hongrois acquiert sa fameuse Grand-mère, installant définitivement la réputation du « prophète de la modernité » en son pays.

SAINT-GERMAIN-EN-LAYE, Musée Maurice Denis/Le Prieuré, jusqu’au 24 janvier, cat. éd. Somogy, 175 F.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°502 du 1 décembre 1998, avec le titre suivant : Rippl-Rónai, prophète en son pays

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