Paul Pouvreau, face au regard détective

À première vue, les photographies de Paul Pouvreau paraissent nous renvoyer l’image la plus ordinaire qui soit de notre quotidien.
En vérité, elles sont toujours au bord de quelque chose, entre visible et insensible, entre invisible et sensible, entre réalité et fiction et, quand nous nous y arrêtons vraiment, nous sommes alors convoqués à l’exercice d’un regard détective. Longtemps Paul Pouvreau s’est plu à mettre en scène de simples objets familiers interrogeant les relations d’espace existant entre eux, comme dans sa série Scènes de ménage de 1995 ; si ses images étaient totalement désertées, leur composition savamment élaborée avouait un geste préalable.
Tout avait été calculé, rien n’était laissé au hasard. Depuis quelque temps, Pouvreau est entré en jeu dans le champ de l’image. En jeu et non en scène. Sa présence n’est pas celle d’un personnage, encore moins d’un acteur, mais d’une simple figure à l’instar de n’importe quel autre objet qui s’y trouve. Cette figure dont l’attitude n’induit aucune espèce de narration opère en parasite dans le champ de l’image et participe, de ce fait, à décaler le réel. Elle y crée un écart qui fait ainsi figure d’abstraction. Dans L’entreprise, par exemple, on le voit de dos s’apprêtant à coller des fausses briques sur des vraies. Ce faisant, la démarche de Paul Pouvreau vise à déconstruire le sujet pour reconstruire le sens ; elle s’inscrit à l’ordre d’une production d’images dont la finalité est la mise à nu des relations que l’on entretient au moment et à l’espace. Il y est question d’échelle, d’ordonnancement et de suspens, sur un ton qui ne manque ni de rigueur, ni d’humour.