Broodthaers, premier hommage belge

Le public parisien se souvient sans doute de la rétrospective Marcel Broodthaers organisée en 1992 au Jeu de Paume à l’instigation de Catherine David. Curieusement, la Belgique n’avait jamais rendu d’hommage conséquent à l’un de ses plus célèbres artistes. Broodthaers est mort en 1976. Quel constat peut-on aujourd’hui tirer de cette œuvre inclassable ? C’est ce que tentent de faire avec un indéniable succès les deux commissaires de la présente exposition : l’éditeur bruxellois Yves Gevaert et Dirk De Vos, conservateur au Musée Groeninge. Personnage profondément terrien à l’ironie dévastatrice, Broodthaers ne se laisse pourtant pas facilement capturer.
En effet, l’homme avait construit une œuvre qui se présente volontiers comme le récit de ses multiples activités : poésie, journalisme, photographie, cinéma... Fixer la signification de ses créations est donc généralement voué à l’échec puisque chacune d’entre elles reste ouverte à diverses interprétations. Seule une sélection rigoureuse, comparable à celle du Jeu de Paume, pouvait restituer la pertinence de cette démarche artistique sans pour autant se perdre dans l’extraordinaire complexité de ses multiples développements. Quatre ensembles, composés de nombreuses œuvres méconnues, sont ici exposés. Le parcours demeure simple et ludique. La sensibilité et l’humour de l’homme sont là, intacts, préservés de toute réification par une muséographie intelligente. L’œuvre de Broodthaers apparaît alors comme une très habile analyse sur les médiations diverses qui conditionnent la production et la présentation de l’art dans nos sociétés. Enfin, pour le plus grand bonheur des spécialistes exigeants, le catalogue comprend un ensemble conséquent d’entretiens et de textes inédits de Marcel Broodthaers.