Les œuvres héroïques de Wim Delvoye

L'ŒIL

Le 1 mars 1999 - 335 mots

Des anges. Ils forment une girouette qui lentement tourne sur elle-même. Un petit moteur accroché à leur dos les y aide. Au sol, une caisse au fini impeccable épouse soigneusement les formes complexes d’une vulgaire brouette. À coté, une bétonneuse richement décorée d’étranges motifs floraux rappelant les moulures surchargées de la fin du XVIIIe siècle. Entre artisanat et industrie, l’art de Wim Delvoye fonctionne sur un ensemble de détournements ressentis par le spectateur comme d’étranges juxtapositions visuelles. Des objets fonctionnels puisés dans la banalité de notre environnement sont transposés, reconstruits, refabriqués par ses soins. Une cage de football voyait ses filets transformés en vitraux. Des poulets en barquette furent tatoués de motifs propres aux bikers. Pelles et planches à repasser portent blasons et armoiries. On l’aura compris, par ces télescopages visuels, Wim Delvoye éprouve notre culture personnelle, souvent issue d’une éducation familiale et sociale à laquelle nous obéissons aveuglement. Il était donc normal que certains hurlent à la vue de ces œuvres et parlent ensuite d’une atteinte au bon goût. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. De notre goût, de notre résistance à des formes culturelles étrangères qui de surcroît ne possèdent ni l’attrait de l’exotisme, ni la beauté attendue des habituelles productions artistiques. En donnant leurs lettres de noblesse à des objets que beaucoup qualifieraient de kitsch, Wim Delvoye cherche à produire des œuvres héroïques. Pour lui, la banalité n’est que le sceau d’une identité cosmopolite, sans cesse reconstruite à travers des appropriations, des trouvailles, des résistances. Cette force expressive, cette emphase, devraient se retrouver intactes dans l’exposition que le FRAC des Pays-de-Loire lui consacrera le mois prochain. Deux cochons tatoués roderont dans un espace où seront accrochés de grandes cartes géographiques de pays imaginaires. Pour Wim Delvoye, produire c’est pratiquer le rapport entre jouir et manipuler, cet entre-deux où le désir attend un excès de merveilleux, dans une attention que l’œuvre altère.

Galerie Ghislaine Hussenot, jusqu’au 20 mars, NANTES, FRAC des Pays de Loire en avril-mai et GRENOBLE, Magasin, jusqu’au 16 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°504 du 1 mars 1999, avec le titre suivant : Les œuvres héroïques de Wim Delvoye

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