Canada - Art contemporain - Photographie

La citoyenneté selon Jeff Wall

Par Damien Sausset · L'ŒIL

Le 1 mars 1999 - 401 mots

Baudelaire proclamait que les Temps modernes nécessitaient un art difficile et ambitieux. Se donner pour projet de répondre à ce programme pour être « le peintre de la vie moderne » de cette fin de siècle demande un idéal élevé. Cet idéal, Jeff Wall le possède.

Internationalement reconnu pour ses photographies couleurs montées sur caisson lumineux, Jeff Wall développe depuis près de trente ans une vaste réflexion sur les mutations économiques et sociales de nos sociétés et leurs incidences sur la constitution de chacune de nos identités. Directement réalisée par Jeff Wall, l’actuelle rétrospective articule avec une grande rigueur l’évolution de son œuvre. Dès ses premiers travaux (fin des années 70), il présente des images photographiques soigneusement mises en scène. La marginalisation ethnique et sexuelle constitue alors ses principaux sujets. L’environnement est urbain, quelconque. Au milieu des années 80, la parodie, le grotesque gagnent en importance pour aboutir à The Storyteller (1986) ou Milk (1984). Jeff Wall cherchait à produire des images où l’exigence de réalisme social répondait, sur un mode critique, à l’aliénation issue des médias.

Ce réalisme social, il en avait trouvé une forme accomplie dans la peinture du XIXe siècle, essentiellement Manet.
Ces dernières années, Jeff Wall poursuivait son travail de narration, récits multiples sur les ambiguïtés de notre époque, en réalisant des photographies retouchées imperceptiblement par ordinateur.
Cela lui permettait de construire des compositions plus monumentales, plus dramatiques aussi (Dead Troops talk,  1992, The Vampires’ Picnic, 1991). Aussi, l’abandon de la couleur et du caisson lumineux pour ses premières images noir et blanc avait-il surpris les visiteurs de la dernière Documenta. Toujours aussi gigantesques, ces photographies mettent en scène des paysages urbains. Quelques personnages aux occupations faussement anodines y apparaissent. Ces situations plus libres, moins figées que dans les œuvres anciennes, mettent l’accent sur la question de la citoyenneté et de l’espace social dans lequel nous vivons. Du parcours, on ressort à la fois ébloui et libéré.

Ce n’est pas tous les jours que l’on assiste à un lever de rideau sur la tragédie de nos vies. Enfin, il convient de signaler l’ouvrage très complet que l’éditeur Phaïdon a dernièrement consacré à cet artiste. La lucidité des écrits de cet artiste, publiés pour la première fois, mérite que l’on s’y attarde.

MONTRÉAL, Musée d’Art contemporain, jusqu’au 25 avril, cat., 101 p., 38 ill., 44 $. À lire également : Jeff Wall, éd. Phaïdon, 160 p., 147 ill.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°504 du 1 mars 1999, avec le titre suivant : La citoyenneté selon Jeff Wall

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