CD-Rom d’artistes

Par Christophe Domino · L'ŒIL

Le 1 mai 1999 - 698 mots

À quoi sert le CD-Rom ? Support déjà historique, il est dit menacé commercialement ou techniquement. Il se perd quand il cultive l’ambition de la grande diffusion, surtout face aux pièces accessibles en ligne, sur le réseau. Il rencontre alors tous les problèmes de diffusion et de distribution, avec des contraintes proches de celles du livre, mais sans son marché ! Pourtant, quand il trouve sa mesure, il demeure un support précieux, simple et autonome, qui suppose cependant des artistes un peu de compétence technique, ou au moins une connaissance suffisante du médium pour pouvoir lancer des hypothèses.

C’est pour parer à ce besoin que Le Métafort à Aubervilliers propose des formations aux artistes dont le projet a été retenu. Ainsi de ces deux travaux de Frank Slama, destinés à apparaître en ligne mais qui sont sans doute techniquement à leur avantage sur CD-Rom : ce sont des boucles à séquences relativement rapides et dotées de son. Avec le personnage de Vnarc (par analogie aux dénominations des virus informatiques), nous sommes dans un univers de jeu électronique et de narration par choix d’hypothèse. Personnage multimédia par lui-même (il est « décliné » sur plusieurs supports, site [www.vnarc.com], vidéo et installations), il demeure très archétypé et déjà nostalgique (les références vont vite, dans les techno-loisirs !). Il peine un peu à faire démarrer les séquences narratives. Vomitweb est plus fascinant, en jouant cette fois de l’effet hallucinatoire des écrans et d’un bon calage de l’image sur les boucles sonores. La lecture de l’univers visuel du réseau est juste, mêlant le sabir promotionnel chargé de logos aux images pornographiques, tout cela entrevu dans un défilement accéléré : dans la logique réflexive-critique, l’exercice est réussi. Le projet Maniaco joue aussi avec le dispositif de l’ordinateur, mais trouve sa vraie place sur poste de travail, comme il a été proposé par la Galerie Dorfmann. Ici, c’est le modèle du jeu qui s’impose, mais d’un jeu menaçant pour le fonctionnement des ordinateurs mêmes. Alors que ce n’est rien moins qu’un catalogue raisonné de son œuvre de peintre que Jean Christophe Robert entreprend avec son CD-Rom réunissant, précise l’artiste, 600 images, alors qu’Éric Maillet semble fidèle au CD-Rom comme support en soi. À son Guide des déserts succèdent ses Panos, lents déplacements de motifs abstraits sur l’écran qui semblent se jouer de leur qualité de matériaux décoratifs. Du côté du catalogue d’œuvres à double existence, l’installation Musique de cheminées de Jan Kopp reste subtile sur écran : elle consiste en l’interprétation musicale d’un skyline parisien de zinc et de cheminées. La relation entre vision et son tient, comme souvent avec Kopp, dans une équation entre dimension poétique, dérision et légèreté, plus même que les autres pièces réunies sur le même CD-Rom titré News from an unbuilt city édité à l’occasion de l’exposition « Un certain regard : contes à rebours » à la Kunsthalle Pallazo, Liestal, en Suisse en décembre 1998. Mais l’usage du CD-Rom ici est bien différent : il est tiré à 50 exemplaires, et sert essentiellement de catalogue diffusé sur place, comme documentation, qui comprend aussi d’autres pièces comme une démonstration de la pièce de Kopp accessible par www.fondation.cartier.fr
Double fond tient en revanche plus de la revue d’artistes, qui propose des présentations de ses robes par l’inévitable Marie-Ange Guilleminot, un grand dessin de l’incontournable Fabrice Hybert dont chaque élément ouvre d’un clic sur des séquences animées ; les interviews d’artistes, dont Jim Shaw et Franz West, proposées par l’artiste Peter Kögler ont en revanche une simplicité et une fraîcheur bienvenues ; quant aux gravures de Pina et Via Lewandowsky elles étonnent par leur traitement du trait mais n’offrent guère d’intérêt en terme d’interactivité. Le travail de l’artiste Laurent Chambert se partage entre la revue électronique Mémoires vives – présentation de travaux d’artistes qui devrait voir son numéro 2 paraître en cours d’année – et des projets plus personnels comme Le moteur, CD-Rom qu’il présentera bientôt : ici encore, le CD-Rom n’est pas un produit de diffusion mais tient plutôt de l’édition précieuse : 72 exemplaires. La diffusion à cette échelle ne pose évidemment plus de problèmes commerciaux compliqués : c’est simplement une autre existenceque celle de produits de grande consommation.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°506 du 1 mai 1999, avec le titre suivant : CD-Rom d’artistes

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