L’entreprise Warhol

Curieuse époque que la nôtre. Alors que de son vivant Andy Warhol avait construit l’une des charges les plus féroces contre la société américaine, alors que le procès de la culture américaine qu’il instruisait avec patience nécessitait un jeu ironique avec le statut de star, l’œuvre du maître du Pop Art ne cesse d’être récupérée par des institutions sans doute en mal de sujet « glamour ». Warhol et la mode, Warhol et le Velvet Underground, Warhol peint les stars,  autant de thèmes qui non seulement avaient bien peu apporté à la connaissance de l’artiste, mais qui de surcroît se complaisaient à portraiturer l’artiste en icône romantique de cette fin de siècle. L’actuelle exposition évite ces travers en étudiant avec soin le mode de fonctionnement de la Factory, ce lieu (en fait, il y eut successivement trois lofts) de production et de rencontres new-yorkais. Organisé par Germano Celant, l’ensemble des pièces s’attache plus particulièrement à cette période d’activité (1963-1968) où Warhol conçoit son atelier comme une unité de production pour les sérigraphies, comme un studio pour les films et pour les répétitions du Velvet Underground, bref comme un lieu d’effacement de la signature au profit d’une production collective, ou plus exactement comme un endroit de conception d’une marque d’entreprise : l’entreprise Warhol. Ce n’est donc pas par hasard si la Factory fut aussi l’espace à partir duquel il pouvait construire sa sulfureuse légende. Affiches, photographies, peintures, dessins, enregistrements sonores permettent de restituer toute la dimension artistique, toute l’atmosphère déjantée de ce haut lieu de l’Underground.