Filliou, une démarche pionnière

Douze ans déjà que Robert Filliou nous a quittés et plus le temps passe, plus on mesure combien l’œuvre de cet artiste singulier qui a fortement marqué son époque opère  de nombreux développements contemporains.
Les concepts d’hybridation et de mondialisme, qui règlent une bonne part tant de la pensée que de la production artistique actuelles, fondent en effet dès leur émergence dans les années 60 les faits et gestes de Filliou. Membre du groupe Fluxus, il n’en était pas moins persuadé que le concept d’avant-garde était dépassé et qu’il était « beaucoup plus profitable pour les artistes, pour chaque artiste individuellement, de se considérer comme faisant partie d’un réseau ». Cette notion de réseau – si elle est aujourd’hui devenue un cliché avec ce que cela comporte d’éculé – articule en revanche la plupart des pièces réalisées par l’artiste. Dans une manière quelque peu dadaïste, il nommait volontiers celles-ci des « briquolages », exploitant les ressources de ce mode et de ce matériau même (la brique) dans le contexte d’une production portée par le concept de « Création Permanente ». Intégrées au projet de « Fête Permanente », entamé en 1968 avec son ami Georges Brecht, ses œuvres se présentent comme de véritables rébus dont les jeux d’association et d’assemblage tissent un « Réseau Éternel ». Ludique et ubuesque, l’art de Filliou tel qu’en témoignent les œuvres du début des années 80 rassemblées par la galerie Nelson procède d’une réflexion tant sur le langage que sur la nature de l’art lui-même. Le revisiter est l’occasion de mieux appréhender la dette considérable de l’actualité d’une certaine création à son égard, de Fabrice Hybert à Gilles Barbier par exemple.