Le secret des Flamands

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 1 octobre 1999 - 429 mots

Parallèlement à la Renaissance qui atteignait son apogée à Venise à la fin du XVe et au XVIe siècle, un autre grand foyer de création artistique rayonnait sur le nord de l’Europe, en particulier aux Pays-Bas et dans le sud de l’Allemagne. Entre les deux, les échanges étaient intenses et s’opéraient dans les deux sens, selon les voyages que faisaient les artistes. Ce sont ces influences réciproques que démontre l’exposition proposée au Palazzo Grassi, à travers plus de 200 œuvres de quelque 80 peintres. C’est à Venise et en Vénétie que se regroupèrent un grand nombre d’artistes, attirés vers la ville mythique par l’importante circulation des gravures reproduisant les œuvres des maîtres. Antonello de Messine, qui y arrive en 1474, y fait connaître les découvertes de Jan Van Eyck en matière de peinture à l’huile. C’est la présence d’Antonello à Venise qui devait inciter Bellini à explorer les possibilités offertes par les techniques picturales flamandes. Après Bellini, Alvise Vivarini et d’autres assurèrent la diffusion des nouvelles conceptions. Dans les échanges nord-sud, les artistes néerlandais et allemands introduisaient dans la peinture vénitienne leur sens du réalisme, en particulier pour la représentation du quotidien, des architectures d’intérieur et du paysage. Mais ils découvraient chez les Vénitiens une nouvelle sensibilité pour la couleur et pour le caractère monumental et classique des formes. Plus jeune que Bellini, Dürer a fait à Venise plusieurs séjours au tournant du siècle. Plus que tout autre, il a su en assimiler l’enseignement, joignant à des harmonies de tons lumineux une grandeur architecturale et imposante. Giorgione, Titien, Tintoret, Veronèse et d’autres créateurs travaillant pour les cours d’Europe, laissèrent, quant à eux, la marque du grand style vénitien dans les principales écoles européennes, tout particulièrement dans le domaine du portrait. Vers la fin du siècle enfin, Rottenhammer et Elsheimer réalisèrent la fusion du style italien de personnages et du paysage nordique. Dans cet ambitieux ensemble, on remarque au passage une vitrine dans laquelle pour la première fois sont réunies les deux parties d’une œuvre de Carpaccio séparées pendant cinq siècles : la partie inférieure, Deux dames vénitiennes, se trouve au Musée Correr. On a voulu y voir des courtisanes. La partie supérieure, actuellement au J. Paul Getty Museum, représente une Scène de chasse sur la lagune. Coïncidant parfaitement, les deux parties sont maintenant comprises comme Une mère et sa fille attendant le retour de la chasse. C’est une scène réaliste située dans un paysage non monumental qui est une innovation. Mais l’ensemble peut se lire également comme une allégorie de la condition féminine.

VENISE, Palazzo Grassi, jusqu’au 9 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°510 du 1 octobre 1999, avec le titre suivant : Le secret des Flamands

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