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Branzi, le pape du Nouveau Design

Par Elisabeth Védrenne · L'ŒIL

Le 1 octobre 1999 - 710 mots

Malgré l’exposition de ses « Animali Domestici » en 1988 au Musée des Arts décoratifs de Paris, Andrea Branzi demeure en France presqu’un inconnu, éclipsé par Ettore Sottsass. À tort, car son rôle en Italie et dans toute l’Europe a été, et reste, immense.

Âgé de 61 ans Branzi est depuis 30 ans le point de référence de tous les designers et architectes. Façonné à la célèbre École d’architecture de Florence pendant les contestataires années 60, il y a vite joué le rôle d’agitateur intellectuel, celui qui empêche de tourner en rond. Immédiatement il remet en question les bienfaits de la modernité qui, dans les années 30, voulait créer des objets « définitifs », résolvant une fois pour toutes les besoins d’une société où tout le monde était censé être égal. Cet anti-modernisme ne le quittera plus et il partira toute sa vie en guerre contre le rationalisme, la standardisation, remplaçant l’objectivité obligatoire et utopique par une subjectivité, voire même une « affectivité » changeante (et sans doute tout aussi utopique, mais qui a le mérite d’être nouvelle !). Branzi pressent une cassure et l’arrivée d’une nouvelle modernité s’adressant à une société beaucoup plus « éclatée » qui désirerait un design beaucoup plus « sensible ». Dans les années 70, il se passionne pour Andy Warhol et fonde, avec ses camarades Paolo Deganello et Massimo Morozzi, le groupe très agressif d’Archizoom. Plus rien ne sera pareil dans le monde du design transalpin. Branzi a des visions qui font grincer des dents mais qui, presque toutes, s’avéreront prémonitoires. Désormais Branzi théorise, expérimente, imagine d’autres solutions, observe ses contemporains. Il prépare beaucoup d’expositions et écrit des livres dont le plus passionnant reste La Casa calda (La Maison chaude), en 1984. Puis crée avec Ettore Sottsass et Alessandro Mendini le groupe Alchimia pour lequel il dessinera, entre 1979 et 1981, le célèbre et pointilliste Fauteuil de Proust et toute une série de meubles ironiques où il revisite allègrement l’esprit des futuristes. Il participera plus tard, en 1985, au mouvement du groupe Memphis avec, entre autres, la splendide saucière en argent Labrador. Il imagine aussi alors sa collection « Animali Domestici » éditée chez Zabro avec ses meubles « néo-primitifs », ainsi que les baptisera Pierre Restany, et leurs dossiers en branches de bouleau.
Il reçoit prix et récompenses, dont plus d’un Compas d’Or à Milan.
Il crée une bouilloire hilarante (Mama-o) pour Alessi. Il fonde en 1991 la célèbrissime école Domus Academy à Milan où il enseigne et diffuse ses idées toujours apparemment farfelues, et en réalité passionnantes d’actualité. Il est à la tête de la bouillonnante revue d’architecture et design Modo, entre 1983 à 1987. Enfin, c’est lui qui dirige la section design de l’exposition « Italian Metamorphosis » au Guggenheim Museum de New York en 1995. Bref, il se donne corps et âme à faire tomber les barrières traditionnelles de ce milieu et à inventer une « seconde Modernité » qui sera très vite étiquetée Radical Design, puis tout simplement Nouveau Design.
Andrea Branzi veut mettre en évidence le fait que « ... désormais le design est devenu une forme de production intellectuelle de masse, où les jeunes considèrent les objets qui les entourent comme des éléments faisant partie de leur propre identité, comme la musique et la mode. » Et il ajoute, parlant de ce nouvel individu « à l’identité faible, qui suit des logiques “fuzzy”, c’est-à-dire floues, indéterminées, vagues », que « autour de lui, évoluent des objets ambigus, animés d’énergies faibles, dans des lieux à faible identité, dans une métropole vague ou froide... » (Toutes ces citations sont extraites du livre Andrea Branzi paru aux éditions Dis Voir). Ce sont justement ces récents objets « Fuzzy » qu’il expose dans la nouvelle galerie de/di/By au 22, rue Bonaparte à Paris : objets poétiques, hybrides, dans l’esprit des « Animali domestici », où réapparaît l’ironie dans le contraste entre nature et artifice. Des paniers et des cageots, mais en argent massif, des lampes en bois, mais transparentes, ou cette carafe soutenue par un appendice en bout de bois, comme dans certaines figures de Dalí.
Grand théoricien certainement, Andrea Branzi est aussi un inventeur d’objets délicats, fragiles et compliqués dans leur signification, toujours optimistes.

PARIS, galerie de/di/bY, jusqu’au 30 octobre.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°510 du 1 octobre 1999, avec le titre suivant : Branzi, le pape du Nouveau Design

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