Cézanne et Giacometti en harmonie

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 23 avril 2008 - 397 mots

Première rétrospective de Cézanne au Danemark, l’exposition « Cézanne et Giacometti » propose une confrontation entre deux artistes qui, nous dit-on, ont partagé dans leur jeunesse une même passion pour l’érotisme et le désir charnel. Pourquoi pas ?

Profitons-en pour porter un regard différent sur l’évolution de ces deux artistes. Il est vrai que Paul Cézanne (1839-1906) a commis quelques œuvres d’une sensualité débridée, dans lesquelles les scènes de débauche sont sans équivoque. L’Orgie de 1864-1868, ou L’Après-midi à Naples de 1872-1875 témoignent d’un véritable intérêt pour la séduction et la guerre des sexes. Les nus de Cézanne renvoient à l’évidence à une inquiétude jamais apaisée. Mais n’y a-t-il pas infiniment plus de sensualité, plus d’amour, quand le maître d’Aix se place face à quelques pommes ?
Pétri de culture antique, « il passe des journées entières au sommet des montagnes à lire Virgile » (Gauguin), il n’ignore rien de la symbolique érotique de ce fruit dans la poésie, les mythes et la religion. La matière splendide des pommes, formes immobiles, solides, objectives, permet à l’artiste, dans une attention et une tension extrêmes, d’élaborer un espace pictural soumis à ses propres lois, avec une seule exigence : assurer à la composition une construction totalement cohérente.
Alberto Giacometti (1901-1966), sculpteur mais aussi dessinateur et peintre, reprend pleinement à son compte la leçon de Cézanne : créer, c’est d’abord apprendre à aimer, à vivre, en regardant intensément ce qui se présente au regard. « Je ne crée pas pour réaliser des belles peintures ou de belles sculptures. L’art, ce n’est qu’un moyen de voir. Quoi que je regarde, tout me dépasse et m’étonne, et je ne sais pas exactement ce que je vois. C’est trop complexe. Alors il faut essayer de copier simplement, pour se rendre un peu compte de ce qu’on voit. »
La soixantaine d’œuvres de Cézanne et les cent dix tableaux, dessins et sculptures de Giacometti, réunis par le Louisiana Museum, situé à 35 km de Copenhague, mettent en évidence un postulat partagé sans réserve par le peintre du xixe siècle et le sculpteur du xxe : un émerveillement toujours renouvelé face au monde est le plus riche moteur de la création artistique. « L’art est une harmonie parallèle à la nature » disait Cézanne.

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« Cézanne et Giacometti », Louisiana Museum for Moderne Kunst, 13 Gammel Strandvej, 3050 Humlebaek (Danemark), www.louisiana.dk, jusqu’au 29 juin 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°602 du 1 mai 2008, avec le titre suivant : Cézanne et Giacometti en harmonie

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