Plongeon dans l’univers silencieux de Poliakoff

Par Vincent Delaury · L'ŒIL

Le 25 mars 2008 - 340 mots

Pour les amateurs de Serge Poliakoff (1900-1969) et de l’École de Paris, ou tout simplement de peinture, attendez-vous à découvrir une exposition véritablement exceptionnelle à la galerie Applicat-Prazan. Nous avons affaire à une exposition monographique de ce peintre musicien digne d’un musée : quinze toiles de qualité se présentent à nous pour révéler la quintessence de l’art de ce peintre abstrait français d’origine russe.
Le premier mot qui vient à l’esprit devant ces peintures à l’huile faites d’aplats géométriques imbriqués comme dans un puzzle est… silence. Dans sa Table d’or (1952), via la recherche singulière du nombre d’or, le silence est indéniablement d’or. Signalons, au passage, qu’il s’agit d’une toile solaire, véritable tournant dans l’histoire de l’art abstrait, rien que ça.
Pour ce peintre cherchant dans son atelier-laboratoire ses propres couleurs selon un dosage secret à base de poudres anglaises, ce « silence complet » qu’il obtient à partir d’un équilibre rare entre ses formes planes, « ce n’est pas seulement une absence de bruit, mais un silence positif qui ouvre les yeux des gens à un monde différent. » Un ange passe… Alors oui, ouvrons grand les yeux et laissons-nous porter par la vibration de la matière et la richesse des couleurs, souvent des tonalités chaudes, notamment des rouges intenses, qui, par couches successives, s’enrichissent l’une l’autre.
En fait, c’est une peinture vibrante, sensuelle et organique, bien plus surprenante et malicieuse que ce qu’une approche trop rapide pourrait laisser croire. En entrant dans son espace pictural à part, nourri d’une quête inlassable de pureté, on découvre qu’elle irradie de l’intérieur pour venir à nous dans toute sa force tranquille. L’exposition montre une œuvre rarissime : la dernière toile de l’artiste (Composition inachevée), laissée en suspens à sa mort en 1969. Et, face à cette peinture encore naissante, brillant de mille promesses, c’est alors un plaisir infiniment précieux que de pouvoir parcourir ce work in progress afin d’y deviner l’auteur en plein travail.

« Serge Poliakoff », galerie Applicat-Prazan, 16, rue de Seine, Paris VIe, du 27 mars au 26 avril 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°601 du 1 avril 2008, avec le titre suivant : Plongeon dans l’univers silencieux de Poliakoff

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