Marie-Antoinette

Du théâtre de la royauté à la scène de l’échafaud

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 25 mars 2008 - 813 mots

Adulée et conspuée, courtisée et méprisée, Marie-Antoinette, reine de France, aussi appelée « l’Autrichienne », ne cessa de magnétiser les passions et de superposer le privé au public. Histoire d’une tragédienne, côté Cour et côté jardin(s).

Des ors viennois à l’austère prison du Temple, des réceptions fastueuses aux confidences de boudoir, de la galerie des Glaces au Petit Trianon, Marie-Antoinette (1755-1793) sembla embrasser les extrêmes avec une invariable indolence. Auréolée de mystère, sa vie suffit à désigner les paradoxes d’un siècle décidé à continuer la fête alors que gronde le drame.
Marie-Antoinette incarne cette France savante et dispendieuse, déchirée et frivole, boulimique bien que démunie, gangrenée quoique fardée. Dans ce règne de l’artifice et de l’apparence, l’on tenta longtemps de sauver la face (du monde) avant que les masques ne finissent par tomber. Jusqu’à la dernière minute et un prétendu lever de rideau révolutionnaire, Marie-Antoinette poudra un visage qui, aujourd’hui, révèle peu à peu l’ambivalence de ses traits.
Née à Vienne, l’archiduchesse est promise au futur roi de France
Premier novembre 1755, le tremblement de terre de Lisbonne ébranle l’Europe. Le lendemain, l’épicentre sismique se situe à Vienne. Marie-Antoinette vient de naître. Discrète, l’onde de choc se répercutera sans tarder puisque son père François Ier et sa mère Marie-Thérèse la désignent rapidement, parmi leurs quatorze enfants, comme celle qu’épousera l’héritier de la couronne de France. Pièce maîtresse d’un vaste échiquier mondial, l’archiduchesse partage son temps entre le palais de la Hofburg et de Schönbrunn où elle reçoit une éducation qui, vierge de toute politique, la familiarise à la beauté et à l’esthétique. Rompue à l’art du maintien, de la musique et de la danse, l’adolescente quitte l’Autriche en 1770. Dépossédée d’un destin qui l’excède, Marie-Antoinette épouse le dauphin à Versailles le 17 mai. Sa grâce et sa beauté ne connaissent pas encore l’inquiétude : elle n’a que quatorze ans.

Dans son Petit Trianon, la reine cristallise tous les maux
Exportée tel un « produit de cour », Marie-Antoinette découvre ses appartements versaillais, les bienséances inhérentes à son rôle de dauphine et l’hostilité que cela implique. Candide et volontiers ingénue, indépendante et volontiers écervelée, « l’Autrichienne » irrite bientôt une Cour jalouse dont elle peine à ménager les enjeux, les codes et les susceptibilités.
Émaillées notamment des incidents avec la comtesse du Barry, les lettres qu’elle envoie à sa mère ont le charme précieux d’une enfant surinvestie, en 1774, du titre inestimable de reine de France. Sept ans après un mariage somptueux, le jeune Louis XVI conjure ses absences fréquentes en lui donnant le fils tant espéré qui assurera la descendance.
Mère, Marie-Antoinette s’emploie à devenir femme. Interdite à la politique, elle s’approprie le domaine des arts depuis le Petit Trianon dont la jouissance lui est revenue. Intendante raffinée, elle décore ce havre de paix à l’abri des conventions et des normes en vigueur. Lieu du jouir, l’édifice reculé épuise les ressources oisives du trompe-l’œil, se dote d’un jardin anglo-chinois et abrite un théâtre dont elle aime à fouler hardiment la scène. Déjà, Marie-Antoinette se sait faite pour les drames.
Mais les mondanités et l’opulence ont un prix : celui que la nation exsangue ne peut précisément plus se permettre. Aussi la reine devient-elle rapidement le cœur d’une coterie dont les attaques culminent avec l’affaire du collier, en 1786. Taxée de « Madame Déficit », la reine Marie-Antoinette cristallise tous les maux et une impopularité irrépressible. La fin est déjà trop proche.

Après son arrestation à Varennes, la reine monte sur l’échafaud
En 1789, les États généraux sonnent le glas d’une royauté que rien ne paraît pouvoir sauver. Et puisque Marie-Antoinette en est l’une des têtes, il conviendra de la lui couper : les libelles sont à cet égard des plus explicites. L’histoire de la reine et de la France s’accélère depuis la capitale que la famille fleurdelisée a dû gagner sous les menaces d’un peuple haineux et décidé à enfin exercer son droit.
L’échec de la fuite et l’arrestation à Varennes sont le dernier acte d’une Marie-Antoinette déguisée pour la dernière fois. Les masques tombent. Et son époux le premier, le 21 janvier 1793. Il est dit que la « sangsue des Français » se nourrira des effusions du sang versé par des massacres incessants.
La Terreur porte désormais une majuscule. Le 16 octobre 1793, Marie-Antoinette monte sur l’échafaud. Aveuglée par l’Histoire. Elle ne se confessera pas. Cela ne vaut « que pour les criminels »…

Biographie

1755
Naissance de Marie-Antoinette à Vienne, en Autriche.

1770
À Versailles, elle épouse le dauphin Louis, futur Louis XVI.

1774
Devient reine de France.

1784
La reine prend parti pour son frère Joseph II roi d’Autriche dans sa querelle avec les Pays-Bas, ce qui lui vaut le surnom de « l’Autrichienne ».

1786
Affaire du collier.

1789
Ouverture des États généraux. Début de l’insurrection populaire.

1791
Arrestation à Varennes du couple royal en fuite.

1793
Après un procès expéditif, Marie-Antoinette est guillotinée.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°601 du 1 avril 2008, avec le titre suivant : Marie-Antoinette

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