Quatre mariages en une vente du soir

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 25 mars 2008 - 453 mots

En novembre dernier, une Liz [Taylor] de Warhol était adjugée à New York 23,7 millions de dollars. Pourtant, ce qui n’est qu’une copie parmi douze, et pas la meilleure, avait été achetée six ans plus tôt 3,5 millions de dollars. Mais voilà, son propriétaire n’est autre que l’acteur anglais Hugh Grant. Une personnalité en vue qui ajoute du pedigree à la toile.
C’est cet exemple parmi de nombreux autres qui nous a donné envie d’enquêter sur la fabrique des prix de l’art contemporain. « La question du rapport de l’argent à l’art est obscène et pénible », dit le réalisateur Olivier Assayas dans le Journal des Arts. De nombreux lecteurs peuvent ainsi légitimement s’offusquer de ce mélange des genres : argent et création. C’est cependant oublier qu’un marché de l’art actif est un puissant soutien à la création. Pour un Van Gogh, qui n’a vendu qu’un seul tableau de son vivant, on ne compte plus les Monet, Picasso ou Soutine qui ont pu bâtir une œuvre, la sécurité financière acquise grâce à de riches collectionneurs.

Et puis le marché de l’art contemporain est un passionnant terrain d’étude sociologique. Notre dossier met en évidence les ressorts de cette hausse vertigineuse des prix : le libéralisme, qui multiplie le nombre de riches partout dans le monde, et la mondialisation, qui uniformise les goûts dont celui pour l’art contemporain très tendance en ce moment. Il révèle aussi les troublants mécanismes entre galeries, collectionneurs et musées.
Est-on entré dans une bulle spéculative ? Si oui, quand va-t-elle éclater ? La question taraude évidemment tous les acteurs de ce petit monde. Ils ont en tête la grave crise des années 1990-1994 lorsque les acheteurs ont soudain fait défaut entraînant une chute des transactions et des prix et la faillite de nombreuses galeries. Tout a commencé par plusieurs ratés lors des ventes de New York au printemps 1990. Et la guerre du Golfe, quelques mois plus tard, n’a pas arrangé les choses. Aussi, aujourd’hui, chacun scrute à la loupe les résultats de ces grandes ventes. Celles de Londres en février dernier semblent avoir brillamment franchi la barre et pourtant certains analystes (arttactic.com) s’inquiètent de ce que 60 à 70 % des lots ont été vendus dans la fourchette basse de leurs estimations. L’action de Sotheby’s a alors perdu 15 points alors que le S&P 500 restait stable. En bourse comme en art tout est affaire de psychologie. Que le consensus se fissure et tout l’édifice s’effondre. L’art n’est pas une valeur refuge.

Quel que soit l’avenir, Hugh Grant a su profiter du bon moment pour vendre sa Liz. Sa plus-value est vraisemblablement largement supérieure à ses derniers cachets. Il n’y a pas que dans les mariages et les enterrements que l’on a des love affairs.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°601 du 1 avril 2008, avec le titre suivant : Quatre mariages en une vente du soir

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