musée

Cézanne inachevé

L'ŒIL

Le 1 mai 2000 - 270 mots

La Kunsthaus de Zurich propose d’éclairer l’un des aspects majeurs de l’œuvre de Cézanne en réunissant 85 toiles et 40 aquarelles, peintes par l’artiste de 1865 à sa mort en 1906 et qui passent pour être « inachevées ». Contrairement à la dernière rétrospective du Grand Palais (1995), cette exposition aborde de plain-pied les bouleversements apportés par la vision picturale du maître d’Aix.
Au-delà de l’indistinction entre esquisse et tableau, qu’il partage avec les impressionnistes, Cézanne a en effet mis en crise, à travers son œuvre, toute discrimination légitime entre achevé et inachevé. Du « fini », le peintre écrit à sa mère dès 1874, qu’il « fait l’admiration des imbéciles », tandis que la signature cesse d’être un critère sanctionnant l’achèvement de l’œuvre. Gustave Geffroy, le premier, défendait cette spécificité de l’art de Cézanne à propos du Salon de 1901 : « Qui dira à quel moment une toile est terminée ? L’art ne va pas sans un certain inachèvement, puisque la vie qu’il reproduit est en perpétuelle transformation. » Le passage de la vision « panoramique » de l’impressionnisme à une vision « tactile », privilégiant le détail au détriment de l’ensemble, est le ressort principal de ce basculement. Cette prééminence du fragment sur la totalité, qui fait de chaque touche un événement autonome, est vouée à miner l’intégrité de la surface peinte. La toile sourd entre les touches,
le motif se désagrège en parcelles discontinues. À ce problème historique, l’exposition répond par une démarche intéressante mais périlleuse, en se fixant pour objectif d’« évaluer l’état d’achèvement respectif des peintures de Cézanne ».

ZURICH, Kunsthaus, 5 mai-30 juillet.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°516 du 1 mai 2000, avec le titre suivant : Cézanne inachevé

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