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Les indicateurs sont au vert

L'ŒIL

Le 1 juin 2000 - 706 mots

Les ventes aux enchères sont en définitive le seul baromètre du marché, la bourse où, tôt ou tard, les valeurs connaissent l’heure de vérité. En matière d’art contemporain, c’est encore plus vrai. C’est pourquoi, la crise de 1990 a été sanglante et la convalescence plus tardive. « On vendait tout et n’importe quoi à prix d’or, explique Martin Guesnet, en charge du département chez Me Briest, le marché s’est effondré et s’est replié sur quelques grands noms. » Christophe Durand-Ruel, chez Christies, fait une analyse comparable : une euphorie excessive et une spéculation effrénée ont provoqué une chute vertigineuse. « Tous ont trinqué, ajoute-t-il, mais tous n’ont pas rebondi de la même façon. » Certains ont-ils sombré définitivement corps et biens ? Sans doute. Pour autant, aucun observateur ne veut citer de nom. L’évolution du goût a également joué un rôle, poussant en touche certains pour en imposer d’autres. La reprise s’est amorcée à partir de 1996, New York
en tête, suivi de Londres et plus tardivement de Paris. Aujourd’hui, de nouveau, les prix s’envolent dans un marché plus sain, plus sélectif, plus ciblé, dopé par la vigueur de l’économie internationale et animé par une nouvelle génération issue des milieux d’affaires. Qui sont ces acheteurs ? Des Américains bien sûr mais pas seulement. « Dans la vente Christie’s-New York de novembre, fait remarquer Christophe Durand-Ruel, il y avait 55 % d’acheteurs européens et la participation française bien que discrète n’était nullement négligeable ». L’an dernier, les records sont tombés à tout va, quatre pour la seule séance du 9 décembre (Sotheby’s, Londres) : 177 500 £ pour un tableau de Damien Hirst en forme de cœur, 397 500 £ pour Tolerance II du sculpteur espagnol Eduardo Chillida et 111 500 £ pour une photographie d’Andrès Serrano et 9 des Top ten se sont négociés largement au-dessus des estimations. En tête Gerhard Richter (496 500 £), Lucian Freud (375 500 £) suivis de Warhol, Klein, Basquiat. Chez Christie’s (19 mai, New York), 12 records sont tombés d’un coup.
Le 16 novembre nouvelle litanie avec 1 817 500 $ pour Jeff Koons, 1 212 500 $ pour Chuck Close, 772 500 $ pour Martin Kippenberger... et des enchères de taille encore pour Richter et Warhol.  Chez les Français, à côté de Mes Cornette de St Cyr ou Binoche, seul Me Briest offre une alternative. Il s’est à nouveau lancé dans la bataille. Son chiffre d’affaires pour 1999 est en progression de 40 %. Outre des enchères de haut niveau le 15 décembre dernier pour Basquiat et Barceló, il détient le ruban bleu pour une œuvre contemporaine en France : 4 434 160 F pour Airplane de Roy Lichtenstein vendu le 23 juin dernier. D’où vient la marchandise ? Selon Florence de Botton de chez Sotheby’s les collectionneurs n’hésitent pas à revendre en fonction de leur goût du moment et de leurs coups de cœur, cherchant ainsi à améliorer et à affiner leur collection. Comme le marché est bon, les œuvres tournent et les plus-values ne sont pas rares. Ainsi, remarque-t-elle, un même cabinet My Way de Damien Hirst vendu 145 000 £ à Londres le 3 décembre 1998 a atteint 354 500 $ moins d’un an plus tard à New York. À ce rythme là, le spectre de la spéculation pourrait bien montrer le bout de son nez à nouveau.
Après les ventes de mai à New York, le marché, Foire de Bâle oblige, revient en Europe en juin. À Londres, le 27, chez Christie’s, Baselitz, Richter, Kiefer voisinent avec Hirst ou Sherman. Le 29 juin, Sotheby’s prend le relais avec, encore une fois Richter aux côtés de Klein et de Kooning. À Paris, le 7 juin, Me Briest présente un Hartung de 1947, un Hantaï de 1973 et un Barceló de 1989. Reste que le marché en France est terriblement piégé par le droit de suite, même si celui-ci vient de subir un sérieux toilettage à Bruxelles. Outre que le projet en cours d’adoption est bien timide, les pays membres disposent de cinq ans pour le transposer dans leur législation, avec, en prime, un régime de faveur pour les Britanniques. Gageons que dans ces conditions, les auctioneers de tous bords continueront à traverser le Channel et l’Atlantique.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°517 du 1 juin 2000, avec le titre suivant : Les indicateurs sont au vert

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