graphiste

U. G. Sato, le militant

Par Gilles de Bure · L'ŒIL

Le 1 juin 2000 - 523 mots

Le soleil brille sur Paris en ce 11 septembre 1995. De la République à la Bastille, quelques milliers de personnes défilent, précédées par de grandes images inhabituelles. Quatre mois plus tôt, Jacques Chirac a été élu Président de la République. Sa première décision importante, volontaire et « virile », avait été de reprendre les essais nucléaires en Polynésie. À un jet de bombe du Japon où le souvenir d’Hiroshima et de Nagasaki demeure vivace et inquiet. On défile donc, de la République à la Bastille, militants de Ne pas plier en tête, pour protester contre cette reprise inutile, dangereuse, condamnable. Dans le groupe de tête, un visage inhabituel lui aussi, et dont les longs cheveux noirs et raides laissent penser que, peut-être, il s’agit d’un Amérindien dont on sait qu’à Paris, ils sont toujours les bienvenus.
En réalité, il s’agit d’un Japonais, U. G. Sato, venant juste de fêter ses 60 ans et qui, un mois plus tôt, révolté par la reprise des essais, a lancé « l’appel du 6 août 1995 », mobilisant ainsi ses pairs, graphistes et affichistes nippons, et les incitant à lui adresser par fax une image de protestation.
La réaction est immédiate et les fax affluent. Sato prend alors contact avec l’affichiste français Gérard Paris-Clavel et l’association Ne pas plier. Les fax, transmis à Paris, sont agrandis au format affiche, Sato et quelques-uns de ses amis arrivent à Roissy et, tous ensemble, défilent boulevard du Temple et boulevard des Filles du Calvaire avant d’être dispersés par la police.
Né à Tokyo en 1935 et lauréat de la Kuwasaka Design School, U. G. Sato est l’un des très rares affichistes japonais à témoigner dans son œuvre d’un engagement politique et social actif. La guerre, qu’elle soit militaire ou économique, la faim dans le monde, la sexualité, les équilibres naturels, toutes les formes d’exploitation, constituent ses territoires d’expression. Loin, très loin, de Fukuda le spirituel, de Tanaka le rigoureux ou de Yokoo le baroque, sa manière l’apparente plutôt aux affichistes et illustrateurs des années 60-70. On retrouve chez lui le goût de l’essentiel d’un Tomi Ungerer, l’humour corrosif d’un Alain Le Saux, la terrible efficacité d’un Michel Quarez, le décalage pincé d’un Seymour Chwast.
À 65 ans, couvert de prix, distinctions et récompenses, salué par toutes les revues et magazines internationaux, U. G. Sato poursuit obstinément sa voie. Celle de la dénonciation de toutes les oppressions et de toutes les injustices. Rien d’étonnant, dès lors, de le retrouver en très bonne place aux Rencontres internationales des Arts graphiques, Festival d’Affiches de Chaumont, justement consacrées cette année à l’engagement politique et social. À Chaumont, une exposition présente l’ensemble des fax-affiches générés par l’appel du 6 août 1995. Signés, bien sûr, U. G. Sato mais également Mitsuru Hirose, Nobuku Hirose, Masakuni Fujikake, Tokashi Othaka, Mineo Maeda…
Autant d’affiches antinucléaires qui voisineront avec celles des mouvements autonomes allemands des vingt dernières années ou encore avec d’autres originaires d’Afrique du Sud…
Belle occasion de découvrir un affichiste japonais dont la légèreté du trait n’en épingle pas moins, d’une mine en plein cœur, les noirs desseins de ceux qu’il dénonce.

CHAUMONT, Festival, jusqu’au 16 juillet.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°517 du 1 juin 2000, avec le titre suivant : U. G. Sato, le militant

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