musée

État des lieux, état du monde

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 septembre 2000 - 380 mots

Si l’on s’en tient au concept de l’exposition qu’a voulue Suzanne Pagé, la directrice du Musée d’Art moderne, pour célébrer à sa manière le millénaire, les idées de l’inventaire, du singulier, du je et de l’autre sont au cœur des préoccupations artistiques contemporaines. Elles en sanctionnent du moins un certain état, voire un état du monde, celui que les artistes entretiennent avec le réel. Forte de l’accompagnement de Boltanski et de Lavier, articulée autour des figures emblématiques de Félix Gonzalez-Torres, de Robert Filliou et de August Sander, l’exposition vise à dresser comme un état des lieux du « monde dans la tête » de l’art contemporain. Bouillonnant. Inquiétant. Ludique. Dans tous les cas, surprenant et, pour plaire à la responsable de l’institution, un monde qui ne peut laisser indemne aucun regard. Qu’aller chercher au musée en effet, sinon l’épreuve d’une déstabilisation, d’un trouble, d’une surprise ? Parmi les quelque 64 artistes qui sont ici réunis, de Georges Adéagbo à Andy Warhol, il y va de toutes les démarches et de toutes les formes dans un impressionnant maelström qui fait de « Voilà » le lieu de toutes les expériences sensibles et intelligibles. L’art mode d’emploi, pourrait-on dire, pour paraphraser Georges Perec, qui s’est imposé d’emblée comme le vecteur modèle de tous les exercices et de toutes les dérives. « Voilà », comme « état de fait et ouverture ». « Voilà », comme « tentative de retenir un fragment d’humanité ». « Voilà », comme « mémoire au présent, sans nostalgie ». « Voilà », comme « une aventure sensible plutôt que démonstration conceptuelle ». Tous supports confondus (peinture, sculpture, photo, installation, vidéo, CD-Rom, site internet, projection, cinéma), « Voilà » organise un grand rassemblement. Qu’il s’agisse de la salle de La Peinture des Martin signée Lavier, des Polders au ras du mur de Tatiana Trouvé, des bandes historiques de Mekas, des ready-mades qui appartiennent à tout le monde, du regretté Philippe Thomas, de l’installation panique de Claude Lévêque, de la Médiathèque Terre-de-ciel d’Élisabeth Arkhipoff, des Documents de Jean-Luc Moulène, des photos des Becher, des concaténations verbales de Closky, « Voilà – le monde dans la tête », comme une anthologie mémorable et vivante d’un art pleinement contemporain.

PARIS, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 29 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°519 du 1 septembre 2000, avec le titre suivant : État des lieux, état du monde

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