musée

Klimt au féminin

L'ŒIL

Le 1 septembre 2000 - 491 mots

De dimension européenne, l’exposition « Klimt et les femmes » présentée au Belvédère de Vienne entend être l’événement culturel autrichien du début du nouveau millénaire. Plus de 100 œuvres de Klimt et de ses principaux précurseurs et contemporains tentent de dresser un panorama exhaustif de l’éternel féminin au seuil de l’époque moderne. Le choix d’une telle thématique n’a rien de surprenant, Klimt étant volontiers considéré comme « le peintre de la femme ». Celle-ci tient dans son œuvre une place centrale, du portrait historicisant des premières années aux dessins érotiques et aux grands portraits emblématiques de la maturité. En 1890-1891, il décore les pendentifs du grand escalier du Kunsthistorisches Museum de Vienne dans un esprit en totale rupture avec ses débuts académiques. La figure féminine, qui personnifie L’Art égyptien, révèle le goût inavoué du maître autrichien pour l’ornement, sa définition lapidaire de la silhouette, rappelant par là la création contemporaine de Khnopff ou de Toorop. Œuvre de jeunesse également, le Portrait de Sonia Knips met en scène une silhouette délicate dont seuls le visage, les mains et certaines parties du tableau sont travaillés, le reste de la scène se diluant en des zones colorées dont les contours ne sont pas clairement définis. Un autre trait fondamental s’y manifeste : la mise en page asymétrique, quelque peu japonisante. Cette toile est déjà représentative de l’esprit de la Sécession – interprétation viennoise de l’Art Nouveau – dont Klimt fut le premier président (1897-1905). Un genre entièrement nouveau voit le jour avec ses portraits de femmes entrelacées d’ornements, rythmés par des tensions entre éléments dorés stylisés et abstraits et souci naturaliste. Les visages et les mains en arrivent à sembler étrangers au foisonnement d’éléments dans lequel le peintre les a insérés. Il y a chez Klimt et ses contemporains la volonté de réduire la distance entre les arts réputés majeurs (architecture, sculpture et peinture) et les arts « appliqués » à la vie quotidienne réputés décoratifs (mobilier, bijou, livre, affiche, mode) afin d’en arriver à une « réunion de tous les arts ». Ainsi Judith I, couchée sur un fond d’or (1901), est la véritable métamorphose d’un personnage biblique en femme fatale exprimant les désirs refoulés de la bourgeoisie viennoise. Ses compositions ornementales sont « charpentées par le mythe de la Terre nourricière, de la déesse mère, de la fécondité, de l’intimité prénatale, de la germination, de la croissance. » D’où la fusion structurelle du Baiser, la configuration ovale de Danaé, le primitivisme fondamental des Trois âges de la vie, le traitement ambigu, charnel et floral de Salomé. Alors que Klimt crée un environnement fluide et élégant, pimenté de signes érotiques pour répondre aux goûts, aux rêves et aux angoisses de l’année 1900, Egon Schiele et Oskar Kokoschka représentent des tendances fondamentalement opposées. Schiele abandonne l’ornement pour l’expression existentielle. Son traitement de la figure est très différent : gauche et torturé il entre de plain-pied dans l’expressionnisme.

VIENNE, galerie du Belvédère, 20 septembre-7 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°519 du 1 septembre 2000, avec le titre suivant : Klimt au féminin

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