musée

Sur scène avec les Bibiena

Par Adrien Goetz · L'ŒIL

Le 1 octobre 2000 - 369 mots

Qui, dans la descendance de Giovanni Maria Galli da Bibiena (1625-1665), élève de l’Albane, eut le plus de talent ? Pendant un siècle, les membres de cette illustre et prolifique famille d’architectes et décorateurs issus de la région de Bologne (huit au moins d’entre eux laissèrent un prénom dans l’histoire de l’art) firent plus qu’occuper, selon l’expression usée mais inévitable ici, « le devant de la scène » des arts. Toutes les scènes et les salles des théâtres d’Europe furent en effet redessinées, repensées, ornées par leurs soins ou selon leurs principes et modèles. C’est sans doute Ferdinando Maria Bibiena (1657-1743) qui inventa la scena per angolo. Sur cette idée, les Bibiena bâtirent leur gloire avec du bois, du papier, du carton et de la lumière. Coup de génie, en éliminant le traditionnel point de fuite central et en multipliant les axes perspectifs, cette technique permettait de varier à l’infini les décors de palais, de colonnades et de ports au soleil couchant dont le théâtre du XVIIIe siècle ne pouvait se passer. Ferdinando Maria avait bouleversé les conventions de la représentation scénique. Son livre, paru en 1711, L’Architettura civile preparata sulla geometria e ridotta alle prospettive devint aussitôt la bible du genre. Il travailla à Parme, à Barcelone, à Vienne. Son frère Francesco voyagea beaucoup et redessina ou construisit de nombreux théâtres, notamment italiens, à Vérone ou à Bologne. Au cours du XVIIIe siècle, on retrouve Alessandro Bibiena, fils de Ferdinando Maria, à Mannheim, son frère Giuseppe à Prague, Antonio Bibiena à Mantoue, Giovanni Carlo Bibiena à Lisbonne, Carlo Bibiena à Munich et à Brunswick, en Angleterre, en Hollande, à Saint-Pétersbourg. Mais l’influence de cette dynastie régnante s’étend au-delà du théâtre. Toute représentation d’architecture se réfère implicitement à l’époque, aux modèles des Bibiena, et leurs idées expliquent sans doute beaucoup des compositions des Prisons de Piranèse. Aujourd’hui, dans le vieux théâtre de Bayreuth, à Nancy, à Vérone, l’art ingénieux des Bibiena peut encore s’offrir à l’admiration du public. Cette exposition est l’occasion de mieux comprendre le complexe réseau, composé lui aussi de perspectives obliques qui se croisent et se répondent, que cette famille avait tissé à travers l’Europe des cours du siècle des Lumières.

BOLOGNE, Pinacoteca, jusqu’au 7 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°520 du 1 octobre 2000, avec le titre suivant : Sur scène avec les Bibiena

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