Centre d’art

Soulages, ou la lumière noire

L'ŒIL

Le 1 février 2001 - 336 mots

« Il n’existe pas de peinture cistercienne », affirmait le célèbre médiéviste Georges Duby. Une œuvre cependant, par son renoncement à la figuration, son refus de recourir au trait et sa discrétion dans l’usage de la couleur, lui semblait épouser l’esthétique de l’ordre de Cîteaux : celle de Pierre Soulages. Le peintre n’affirme-t-il pas que « la vraie peinture est un continuel renoncement » ? Soulages est au noir ce que Klein est au bleu. Il a poussé l’expérience de la couleur jusque dans ses retranchements les plus ultimes, refusant la compromission, le décoratif, recouvrant entièrement
sa toile de la couleur noire. « Noir, le mot en lui-même est une abstraction », explique l’artiste. Il ne dit pas s’il s’agit d’une surface opaque ou transparente, lisse ou grumeuse et c’est sur ces différentes subtilités que le peintre va jouer. « Mon outil n’est pas la couleur, mais la lumière qui vient naître sur les surfaces, sur les matières (...), c’est cela qui me guide ». Chronique d’une peinture qui érige le changement comme permanence. Trois phases se distinguent dans son travail : le contraste, illustré par les goudrons sur verre de 1948, les toiles travaillées au brou de noix, pigment qu’il privilégiait pour son aspect économique et ses possibilités de transparence ou d’opacité. Tout est alors dans le geste, l’instant. Puis en 1959, ses recherches le conduisent à faire surgir la lumière de dessous la toile, par la couleur. Les ocres, les rouges, les verts jaillissent, le disputent au noir, omniprésent, qu’il ôte souvent par raclage. Arrive enfin la série des Outrenoirs où de larges murs de peinture offrent leur surface entière aux vibrations lumineuses du noir profond. Pour Pierre Soulages, une œuvre doit avoir une présence ; l’observer c’est être déjà dans l’espace de la toile. « Sur une peinture viennent se faire et se défaire les sens qu’on lui prête ». 82 peintures magistrales témoignent ici de cette quête empreinte de spiritualité.

TOULOUSE, Les Abattoirs, jusqu’au 19 février, cat. 128 p., 159 F, lesabattoirs@lesabattoirs.org

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°523 du 1 février 2001, avec le titre suivant : Soulages, ou la lumière noire

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