Kirchner ou la vie amère

« La seule fin de l’art est d’exprimer la vie par des tons purs et par des formes simples ». En saisir toute l’amertume, la violence et toute la beauté, telle est la devise de Kirchner. Mais comment transposer dans l’art imprimé l’explosion de vie qui marque sa peinture ? A cette débauche de couleurs, ces « bâtons de dynamite », répond le style anguleux, archaïsant de ses bois gravés. Le Musée Jenisch expose une centaine de gravures de l’artiste ; des bois gravés, en grand nombre, mais aussi des eaux-fortes, pointes sèches et lithographies. La gravure prolonge les recherches plastiques du Kirchner peintre. Tirées à très peu d’exemplaires, ces pièces sont des variantes uniques : Kirchner modifie les couleurs de chaque impression. Les autres membres du mouvement Die Brücke accordent également une grande importance à la gravure sur bois. Le groupe, lors de sa première exposition collective de novembre 1905, présente surtout des œuvres réalisées dans cette technique. A partir de 1911, leurs productions graphiques sont régulièrement publiées dans la célèbre revue d’avant-garde Der Sturm. Une seconde exposition, celle de la Fondation Neumann, s’intéresse, quant à elle, au caractère multiple de l’art de Kirchner. Car l’expressionniste convoque toutes les pratiques artistiques pour dire les nervosités de son temps : pastel, dessin, sculpture et même tapisserie. Les sujets se multiplient : scènes de rue, portraits, études de nus, spectacles de cabarets avec leur lot
de filles et de théâtreuses... Mais peu importe les thèmes ou les moyens employés, Kirchner montre le poème de la vie, cette vie qui achève de l’épuiser en 1938.