Le Regard du portrait

L'ŒIL

Le 1 mars 2001 - 252 mots

Dans son dernier essai, le philosophe Jean-Luc Nancy dissèque l’énoncé du portrait jusqu’à l’épure. Le genre s’agrège selon lui en trois temps : ressemblance, rappel, regard. L’auteur restreint son propos au « portrait autonome » dont il propose deux définitions : « représentation d’une personne considérée pour elle-même » ou « tableau qui s’organise autour d’une figure ». Le sujet est alors retiré de toute extériorité, considéré pour lui-même, en dehors de toute représentation d’une personnalité, d’un affect, d’une action (Le Monomane de l’Envie de Géricault ou L’Indifférent de Watteau ne peuvent donc être considérés comme des portraits). Une seule action est permise, celle-là même de peindre.  Le corps est seulement présent pour supporter le visage, tandis que la figure s’organise autour du regard. « C’est la figure tout entière qui fait le regard, et non l’œil isolé », souligne l’auteur. Dans l’Autoportrait de Johannes Gumpp, il relève la dissemblance entre le miroir et le tableau : le premier dévoile l’objet de la représentation, alors que le second révèle la peinture à l’œuvre. Le portrait est également rappel, il fait revenir de l’absence, ce qui explique que ses premiers commanditaires aient été l’amour, la gloire, la mort. Il est enfin regard du modèle, de la peinture elle-même par le biais de subterfuges : lampe, perle, miroir... Sans oublier les regards dénués de pupilles que l’on trouve chez Matisse ou Modigliani et qui sont véritablement les yeux du tableau.

Jean-Luc Nancy, Le Regard du portrait, éd. Galilée, 90 p., 125 F, ISBN 2-7186-0531-6.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°524 du 1 mars 2001, avec le titre suivant : Le Regard du portrait

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