architecte

Enric Miralles, feu les cendres

L'ŒIL

Le 1 mars 2001 - 523 mots

Les lieux communs sur la création dans les pays latins du bassin méditerranéen évoquent un travail fougueux, impulsif, solaire, rayonnant. C’est un peu ce que l’on pourrait retenir du travail de l’architecte catalan disparu en juillet dernier, Enric Miralles, à l’âge de 45 ans. Diplômé à 23 ans, Enric Miralles a travaillé dès 1975 avec Albert Viaplana et Helio Piñon. Ces architectes introduisent à Barcelone les courants internationaux, du minimalisme des années 80 au déconstructivisme des années 90 dont la dimension tectonique trouve ici un écho proche de Gaudi. En 1983, Enric Miralles crée son agence avec Carme Pinos, avec qui il développe une déconstruction plus poétique et régionale : non pas des volumes blancs à la Le Corbusier, mais une tectonique baroque de contorsions telluriques, des compositions de masses et puissances, de confrontations de couleurs et de textures, avec la liberté de la composition et de la plastique. Composition tectonique s’il en est, sa grande œuvre restera de ce point de vue le cimetière d’Igualada (1991), colline-cuirassée où l’acier rouillé et le gabion côtoient la terre couleur bauxite et où le mamelon charnel d’origine devient écorché vif, taillé au bulldozer. D’autres projets suivent, comme un club de tir à l’arc pour les Jeux olympiques de Barcelone (1992), le Centre culturel d’Hostalets (1993), toujours en Catalogne. La construction et la tension scénographiques de ce baroque catalan dénotent de la sobriété néo-rationnelle espagnole. En 1992, Enric Miralles s’associe avec Benedetta Tagliabue, au moment où une première reconnaissance internationale lui ouvre les portes des grands concours européens. A partir de cette date, dit Marie-Hélène Contal, « les projets d’Enric Miralles et Benedetta Tagliabue s’inscrivent sur la carte du continent. Ils ponctuent le voyage européen d’un créateur qui, à chaque halte, analyse la richesse culturelle des villes, leur géographie aussi, pour nourrir une démarche transformant le procès de leur modernisation en une véritable histoire, écrite au moyen d’une prose épique et de ses ressorts : mémoire, conflits, visions. Cette position est alors singulière : elle s’éloigne autant du dandysme des spectateurs du chaos urbain, fascinés par la beauté sauvage des métropoles, où l’architecture n’aurait plus qu’à flotter, que du cynisme d’une architecture néo-internationale qui maille le même chaos “global” d’un réseau de grands projets affirmant, partout où ils se posent, la prééminence d’une culture mondialisée ». Autrement dit : déconstructiviste mais baroque, cosmopolite mais catalan. C’est pas le Pérou, Miralles ne prétendant nullement avoir l’Amérique. Mais il reste quelque chose de « conquistador » dans les écrits de Miralles sur l’architecture et son rôle civilisateur. Face au chaos contemporain des villes, Miralles voulait pratiquer la discipline comme un art resté majeur, servi par des créateurs attentifs aux cultures et aux usages, mais appuyant également une audace esthétique, plastique et le sens des lieux. Aujourd’hui, son agence travaille sur de nombreux projets, à Barcelone et dans d’autres villes d’Europe : siège de la société du gaz naturel, parc de la Diagonal Mar et marché Sainte-Catherine à Barcelone, hôtel de ville d’Utrecht, nouvelle école d’architecture de Venise, parlement d’Edimbourg, qui ne seront achevés qu’à l’horizon 2003-05. Sous la cendre couve encore la braise...

PARIS, IFA, 27 février-20 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°524 du 1 mars 2001, avec le titre suivant : Enric Miralles, feu les cendres

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