architecte

Didier Faustino, le mésarchitecte

L'ŒIL

Le 1 mai 2001 - 531 mots

Après avoir appartenu un temps au LAPS, Laboratoire d’Architecture Performance et Sabotage (1996)
et co-fondé l’atelier Fauteuil Vert (1997), Didier Fuiza-Faustino revient aujourd’hui avec Pascal Mazoyer. Avec leur structure Mésarchitecture (www.mesarchitecture.com), cette agence « dédit » le bon fondement et le bien-fondé de l’architecture sans s’y dédier. Il faut dire que ce « mésarchitecte » porte bien son nom : Fuiza pour dire qu’il est malin comme un renard (fuiza en portugais) et Faustino (le petit Faust) pour le côté « pacte » des loups, et dont il aime à évoquer l’association d’idée visuelle avec cette « image » de Hannah Arendt sur Heidegger : un renard qui a fait sa tanière dans le piège même... Né en 1968, son militantisme paraît d’autant plus emblématique. Au même titre, d’ailleurs, que sa formation à l’école d’architecture de Paris-Villemin avec l’artiste Claude Levêque ou son passage à l’agence de François Roche. Autrement dit, tout un travail de sape et de subversion qui, au pacte faustien, substitue un pacte civil d’insoumission et (néanmoins) de solidarité. Trois projets récents sont à même de l’évoquer. Le premier remonte à l’été dernier, lors de la Biennale d’Architecture de Venise où Didier Faustino était venu déposer Corps en transit (2000), architecture minimum destinée à ces passagers clandestins que l’on retrouve, morts ou vifs, dans les trains d’atterrissage en provenance de contrées lointaines mais peu exotiques. Dérangeante, cette valise mêlait à l’esthétique militaire des étuis de missiles ou de bazooka, l’ergonomie fœtale d’un passager
le moins encombrant possible. Le second projet de Faustino est celui qui, présenté ce mois-ci pour sa deuxième participation à la grand-messe des officiers de l’architecture expérimentale Archilab, porte sur un autre aspect de ce que nous pourrions appeler la « mésergonomie » : la perturbation de l’espace. Il s’agit de la chaise Love me tender (2001) qui, si elle fait allusion à une célèbre mélodie d’Elvis, n’en suggère pas moins l’idée qu’elle visse. Inconfortable, résolument pointue et chromée, elle évoque volontiers une torture fétichiste ou cauchemardesque, une trituration clinique, vicieuse et finalement design, telle que David Cronenberg (Faux-semblants), Terry Gilliam (Brazil) ou, plus récemment, Ridley Scott (Hannibal) nous l’avaient déjà donné à voir. Le dernier projet est un concours qu’il vient de remporter aux dépens du célèbre enfant terrible de la scène artistique helvétique, Fabrice Gygi (L’Œil n°517). Il s’agit de l’Arte Plage mobile du Jura, un espace flottant destiné aux arts scéniques alternatifs pour la grande manifestation EXPO 02. Inspiré de l’esthétique cyberpunk de vieux cargos rouillés reconvertis en pénitenciers ou de la prison d’Alcatraz dans la baie de San Francisco, Faustino a voulu fusionner les contraintes du lieu (une barge en acier) avec celle du programme (un lieu alternatif) et d’une sécurité des passagers ramenée à l’enclos carcéral. Avec
sa cabine de pilotage sur vérins, ses projecteurs sur bras télescopiques, sa « boîte » rouge sur sa coque blanche (couleurs résolument suisses), on peut imaginer que ce projet, s’il fait écho au scénario des « prisonniers volontaires » de Rem Koolhaas et Elia Zenghelis (Exodus, 1967), sera en réalité vécu comme un nouvel épisode de La Croisière s’amuse.

- ORLEANS, Archilab, divers lieux, tél. 02 38 79 88 88, 12 mai-30 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°526 du 1 mai 2001, avec le titre suivant : Didier Faustino, le mésarchitecte

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