Serge Daney. Ecrits

L'ŒIL

Le 1 juillet 2001 - 411 mots

Il faut lire Serge Daney. Cela tient de l’exercice obligatoire tant son esprit critique propose un véritable modèle de pensée. Trois grandes périodes marquent la destinée de cet homme qui, après avoir été l’un des cinéphiles les plus lucides des années 70, s’est ensuite défini comme un véritable téléphage au service du journal Libération, avant de créer la revue Traffic quelques mois avant sa mort en 1992. Tout débute en 1964, lorsqu’il rédige ses premiers articles pour les Cahiers du Cinéma. C’est justement à ces années d’apprentissage qu’est consacré le premier volume de ses écrits complets. Tout y passe, Ford bien sûr, Bresson, Howard Hawks, Jerry Lewis, David Lynch, mais également Claude Zidi, Steven Spielberg et bien évidemment Godard et les Straub. Chaque critique est déjà marquée par le sceau d’une écriture sans concession qui, à chaque fois, dévoile quelque chose que nous n’avions pas vu, pas compris. Le miracle Daney, c’est déjà cela : décrypter l’idéologie sous-jacente aux films, montrer combien chaque film n’est qu’un ensemble de signes qui font sens pour peu que l’on veuille bien réfléchir. Mais l’expérience des Cahiers (qui s’achève en 1981) ne devient véritablement intelligible que si l’on se plonge dans la seconde période : celle des années Libération, années où en pleine maturité de ses moyens, il ne cesse de pourfendre notre cécité face aux dogmes de la communication dans des textes à l’écriture fluide. Il cherche alors à mettre le cinéma « en rapport avec quelque chose d’autre, qui le prolonge ou même le nie : la télévision, la publicité, la communication, l’idée même d’information, etc. ». Regroupés dans quelques ouvrages (Ciné journal 1 et 2, Le Salaire du zappeur), ces petites chroniques narrent la mort d’une certaine idée du cinéma. Enfin, ses derniers textes, sans doute les plus sombres, les plus théoriques (L’Exercice a été profitable, Monsieur et Devant la recrudescence des vols de sacs à main), parlent non seulement de cinéma mais aussi de la vie, du monde, des voyages.

- Serge Daney, La Maison cinéma et le monde, 1- Le temps des Cahiers (1962-1981), éd P.O.L., 576 p., 200 F, ISBN 2-86744-812-3.
Serge Daney, Ciné journal, Volume 1 (1981-1982) et volume 2 (1983-1986), éd. Petite bibliothèque des Cahiers du Cinéma, 222 p., 69 F, ISBN 2-866422-139.
Serge Daney, L’exercice a été profitable, Monsieur, éd. P.O.L., 374 p., 150 F, ISBN 2-86744-353-9.
Serge Daney, Devant la recrudescence des vols de sacs à main, éd. Aléas, 172 p., 110 F, ISBN 2-908016-13-3.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°528 du 1 juillet 2001, avec le titre suivant : Serge Daney. Ecrits

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