Dans la 4e dimension

L'ŒIL

Le 1 décembre 2001 - 646 mots

En s’appuyant sur les avancées les plus récentes de la science, certains artistes créent des installations à base de lumière pour évoquer le vide habité de l’univers, les constructions fractales
et les réflexions à l’infini. Cet hiver, la Fondation EDF pare l’Espace Electra des couleurs choisies par Bernard Caillaud, Serge Salat
et Françoise Labbé, Jean-Philippe Poirée-Ville et Patrick Blanc.
Une manière originale d’entrer dans la quatrième dimension.

Peut-être sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère pour l’humanité. Aujourd’hui, les sciences du vivant, les biotechnologies semblent promettre monts et merveilles. Mais ce n’est pas au corps mutant et à ses utopies plus ou moins fantaisistes que s’intéressent les artistes rassemblés dans l’Espace EDF Electra. Au contraire, tous ont en commun de croire que la véritable révolution proviendra de la mutation de nos perceptions, de notre rapport au monde et à l’espace qui nous entoure. Pour eux, le monde est désormais métaphoriquement éclairé par les écrans et les technologies de la lumière. Nous n’en avons sans doute pas totalement conscience, mais c’est bien la nouvelle ère de l’électronique qui désormais conditionne nos vies. Ces artistes, architectes, chercheurs que l’on regroupe sous le vocable d’hyperluministes ont donc pour but de dévoiler de nouveaux paysages et de faire sentir combien d’autres types de sensations, de perceptions sont désormais possibles grâce à la puissance de l’informatique et des sciences cognitives. Ce n’est donc pas un hasard si leurs œuvres restent étrangement irréductibles aux traditionnelles catégories de l’art. Comment en effet qualifier l’installation de Serge Salat et Françoise Labbé qui entrecroise des espaces impossibles au point d’entraîner le spectateur dans une expérience visuelle et physique unique ? Leur Labyrinthe de l’éternité propose une dynamique aléatoire qui plonge littéralement le visiteur dans un monde futur où le temps devient soudain une dimension palpable. Comment cerner l’étrange collaboration entre un expert de la botanique, Patrick Blanc, et un jeune architecte, Jean-Philippe Poirée-Ville, très au fait des dernières théories scientifiques ? Tous deux nous entraînent dans un lieu où la lumière révèle soudain un monde où le virtuel s’entrecroise avec le vivant, où l’univers perd sa stabilité rassurante au profit d’une nature hybride. Enfin, que dire des œuvres de Bernard Caillaud, où le principe aléatoire devient le guide absolu d’espaces lumières composés de formes et de couleurs encore inédites. Toutes ces installations annoncent la prochaine venue d’une hyper ville, d’un hyper territoire qui viendrait se superposer au réel dans lequel nous baignons. Cette nouvelle dimension, faite de lumière et d’espaces virtuels, ne peut que permettre une meilleure circulation entre l’imaginaire individuel (nos rêves) et l’imaginaire collectif (nos mythes, nos symboles). Ré-enchanter le monde, voilà donc la tâche que se sont assignés ces créateurs. Sans renoncer à l’histoire passée, ni même à l’histoire à venir, ces œuvres dénoncent l’idéologie du présent avec ses normes, ses carcans, son adhésion béate à la toute puissance des images médiatiques.

L’exposition

Elle rassemble pour la première fois les œuvres des artistes qui se définissent comme hyperluministes. Avec la lumière, et en s’appuyant sur les avancées les plus récentes de la science, ces artistes élaborent des installations qui évoquent de manière sensible les espaces déformés des astrophysiciens, le vide habité de l’univers, les constructions fractales, les réflexions à l’infini, l’énigme des couleurs.
« Les mondes lumière », Fondation Electricité de France-Espace Electra, 6, rue Récamier, 75007 Paris, tél. 01 53 63 23 45. Jusqu’au 17 février. Horaires : tous les jours sauf lundi et jours fériés, de 12h à 19h, entrée libre.
 
Que lire ?
- Le catalogue, qui est conçu comme le prolongement de l’exposition. Outre les reproductions des œuvres des artistes invités, on y trouvera celles des précurseurs, du cubisme à Marcel Duchamp pour le Grand Verre. Textes de Daniel Arasse, Patrick Blanc, Bernard Caillaud, Michel Cassé, Jean-Pierre Luminet, Jacques Mandelbrojt, Michel Makarius, Michel Menu, Claude Parent, Jean-Philippe Poirée-Ville, Serge Salat, Monique Sicard., éd. Hermann, Paris, 2001, 182 p., 32 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°532 du 1 décembre 2001, avec le titre suivant : Dans la 4e dimension

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