Designer

John Pawson, monacal et sensuel

L'ŒIL

Le 1 décembre 2001 - 552 mots

Il était destiné à être un homme d’affaires et à succéder à son père à la tête de l’entreprise textile familiale. Mais comme beaucoup de jeunes Anglais des années 70, John Pawson voyage vers l’Orient et se réalise au Japon. Il voulait même se convertir au bouddhisme.

Son long séjour à Nagoya puis à Tokyo aggraveront son penchant pour le Zen et son attirance pour un monde épuré et monastique qui réapparaîtra dans sa conception future d’« architecture totale ». Son gourou, le grand Shiro Kuramata, lui apprendra à marier la simplicité de la tradition à l’esthétique contemporaine. Ses autres sources seront américaines et puritaines : les Shakers, puis l’artiste Donald Judd. Pour tous, architecture et design ne font qu’un. Les boutiques faites par Kumaramata pour Issey Myake ou pour Esprit le marquent. Il découvre que l’on peut être minimal et voluptueux, monacal et sensuel. Il devient fervent du « vide d’ombre » de Kuramata, qui évite la plinthe en faisant une encoche entre la base du mur et la surface du plancher, opération délicate qui nécessite un artisan très habile. Mais Judd lui apprend aussi l’inverse : entailler le sol, ce qui met l’accent non plus sur le plancher mais sur la verticale du mur. On retrouvera tout au long de ses réalisations l’importance de la lumière, avec sa conception du « remodelage », ses murs écrans, ses murs en verre fumé. Un art savant fabriqué à partir de mille détails rendus invisibles, fait de raccords, de jonctions, de finitions parfaites. Une tendance peut-être à être parfois trop élégant, comme souvent l’est la perfection de la simplicité excessive. Faire simple, en bannissant tout décor, exige d’autres inventions. Encouragé par son maître Kuramata, il reprend à l’âge de 30 ans des études d’architecture. Désormais, il sera l’homme du « presque rien » et sa devise sera « ôter ». Ses premiers succès sont des galeries d’art où les planchers de beaux bois adoucissent les enfilades des murs immaculés. Suivent une maison pour le collectionneur Doris Saatchi, une autre pour le marchand Hans Neuendorf, puis l’immense appartement dans le bâtiment industriel du Piper Building de Londres pour la marchande Anne Faggionato.

Sa mezzanine restera célèbre. On comprend déjà que pour vivre dans un espace créé par Pawson,
il faut aimer l’austérité et modifier ses habitudes de vie quotidienne. La célébrité lui vient grâce aux boutiques de Calvin Klein de par le monde (plus récemment il signera les boutiques de Jigsaw). Son style est défini : « Espace, sérénité, pureté faite de simplicité luxueuse ». Dans ses volumes où rien ne distrait le regard, la moindre chaise, la moindre prise électrique jouent un rôle principal. Suivent l’aménagement des cuisines (Obumex) d’un salon d’attente dans le célèbre aéroport de Hong Kong signé par Norman Foster, puis la maison de Martha Stewart à Long Island. Enfin sa propre maison dans l’Ouest londonien, résumé de sa philosophie de plus en plus zen. Aujourd’hui, on retrouve partout et bien imparfaitement ce style « blanc et vide ». Pawson lui-même nous met en garde : « L’usage à outrance de ce “style” risque de le dévaloriser ». N’est pas Pawson qui veut.

- A lire : Deyan Sudjic, John Pawson, œuvres, éd. Phaidon, 40 p., 60,54 euros (399 F).
Ses meubles seront commercialisés en 2002 par l’éditeur italien Driade.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°532 du 1 décembre 2001, avec le titre suivant : John Pawson, monacal et sensuel

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