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Ettore Sottsass œuvre pour Baccarat

L'ŒIL

Le 1 mars 2002 - 580 mots

« C’est peut-être la très étrange et inattendue magie émanant du cristal quand il est pur et épais qui m’a incité à concevoir des formes de cristal lourdes et des volumes larges qui laisseraient l’espace se refléter, se réfracter, se répéter, se multiplier et disparaître de toute mémoire reconnaissable du paysage environnant identifiable. » A 85 ans, la moustache blanche et l’œil vif, Ettore Sottsass Jr relève avec panache un nouveau défi. Il a conçu, pour Baccarat, une dizaine de pièces de collection aux formes massivement architecturées. « Pour moi, Baccarat a toujours été un mythe, comme on dit aujourd’hui, le mythe d’une industrie rare dans laquelle prédomine la notion particulière de qualité que l’artisanat a toujours, plus ou mois, recherchée. »  De son grand-père, sculpteur sur bois, et de son père, Ettore Sottsass, architecte, protagoniste du mouvement « rationaliste » italien et passionné d’architecture vernaculaire, Sottsass dit avoir hérité le goût du détail, du travail soigné. Et de son enfance dans les Dolomites, l’intérêt pour la culture populaire, les folklores, l’organique. Né à Innsbruck en 1917, Ettore Sottsass Jr obtient son diplôme d’architecture à Turin en 1939 puis est incorporé dans l’armée italienne. Il s’installe à Milan en 1947, peint, sculpte, expose, écrit, s’intéresse à l’archéologie et aux civilisations anciennes. Il travaille avec son père sur le quartier Falchera de Turin, et conçoit, dans le cadre du plan Marshall, plusieurs projets de reconstruction de villes du Nord de l’Italie. Déjà, il insiste sur la nécessité d’une approche sensorielle de l’architecture, sur l’importance de l’environnement et sur la dimension psychologique, prône « une méthodologie du doute », fonctionne par intuitions, expérimentations, insiste sur « l’échelle humaine ». Dans un texte de 1947, il souligne que l’espace est un matériau fondamental de la construction plastique et précise qu’il est essentiellement constitué de lumière et de couleur. Il développe un lexique qu’il privilégiera longtemps : utilisation des couleurs vives, simplification décorative, cloisonnement. Il voyage aux Etats-Unis en 1956, où il travaille avec George Nelson sur un système d’architecture de produits. Il pense à « faire des objets architecturés plutôt que de l’architecture », s’intéresse à l’art contemporain. A son retour en Italie, il devient designer consultant pour Poltronova, qui éditera jusque dans les années 70 ses bijoux, verreries, céramiques, et la série Mobili grigi, en matériaux de synthèse thermoformés sous vide. En 1958, il conçoit pour Olivetti un « paysage informatique » , selon ses propres termes, en dessinant l’ordinateur Elea 9003, qui obtient le Compasso d’Oro en 1959. Il y aura aussi, en 1969, la Valentine, machine à écrire en plastique, icône des « Sixties ». En 1960, il ouvre son agence à Milan et entreprend l’année suivante un périple en Orient, dont les répercussions seront durables. En 1972 débute une longue collaboration avec Alessi. Parallèlement, Sottsass participe aux grandes aventures de son époque : Global Tools, contre école de design et d’architecture fondée avec Andréa Branzi et Alessandro Mendini en 1973 ; Studio Alchimia en 1979, Memphis en 1981, qui s’ouvre dès le départ à toutes les cultures et les nationalités. Aujourd’hui, Sottsass l’inclassable dit travailler presque exclusivement pour l’architecture, (il a fondé Sottsass Associati en 1980) même si celle-ci se décline en bâtiments comme en éléments mobiliers ou en pièces de verre. Cet homme complexe et raffiné, qui cultive l’humour et fuit les dogmes, aime toujours à rappeler que « le design est une façon de concevoir la vie, la politique, l’érotisme, la nourriture et même le design. »

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°534 du 1 mars 2002, avec le titre suivant : Ettore Sottsass œuvre pour Baccarat

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