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Van Dongen, fauve et mondain

L'ŒIL

Le 1 mars 2002 - 548 mots

Fauve et mondain, épris des femmes et de leurs artifices, le Hollandais Kees Van Dongen (1877-1968) allait durant sa longue carrière renouveler le genre du portrait. La rétrospective que lui consacre la Fondation Gianadda, signée Daniel Marchesseau, est l’occasion de revenir sur un œuvre dédié à l’éternel féminin.
Le parcours chronologique de l’exposition présente tout d’abord trois œuvres de jeunesse qui témoignent de ses années d’apprentissage à l’Académie des Arts et des Sciences de Rotterdam. Des toiles sensiblement différentes où l’observation des tableaux de Rembrandt (Canal à Delfshaven, 1895) laisse la place à des simplifications modernistes hardies (Autoportrait, 1895). A vingt ans, Van Dongen est à Paris, fréquentant les bals du Moulin de la Galette, les cabarets, les beuglants, le cirque Medrano. De cette plongée dans la vie nocturne des fêtards, des acrobates et danseuses, naît une production néo-impressionniste, illustrée par des toiles telles que le Bal du Moulin de la Galette ou Le Boniment. Cette orientation prend fin avec La Jarretière, superbe évocation d’un corps féminin énigmatique, pour lequel Van Dongen abandonne les petites touches discontinues pour un épais cerne de couleur. A l’instar de Toulouse-Lautrec, l’artiste est fasciné par l’univers sensuel des filles de joie qu’il brosse à grands renforts de couleurs fortes et de reliefs contrastés. Voluptueuses, le visage empourpré, le corps rehaussé de parures étincelantes, celles-ci se livrent sans détours au peintre. Nini la Parisienne (1907-10) dévoile la pointe d’un sein, la Femme aux gants noirs, s’abandonne sur un divan (1907-08), la Femme aux deux colliers (1911-12) semble la parfaite incarnation des vers de Baudelaire :« La très chère était nue, et, connaissant mon cœur, Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores (...) ». Mais pour Van Dongen, c’est aussi l’époque du bonheur en famille auprès de Guus sa compagne et Dolly sa fille, à Montmartre, au Bateau-Lavoir, non loin des Picasso. La toile intitulée Mère et enfant (1906-07) ainsi qu’un portrait de Fernande Olivier en témoignent.
Les années 1913-14 marquent une rupture dans la vie professionnelle et privée de Van Dongen. En effet, en 1913, Tableau, qui met en scène une Guus monumentale et dénudée aux côtés d’un vieillard infirme déclenche un scandale au salon. La toile jugée obscène lui vaut pourtant d’accéder à la célébrité. En 1914, la guerre entraîne le départ de sa femme et de sa fille parties se réfugier en Hollande, le laissant livré à lui-même. C’est le début de son ascension sociale auprès de la jet-set de l’entre-deux-guerres. L’excentrique marquise Casati lui ouvre les portes de la haute société et les salons des femmes du monde, et du demi-monde, qui vont désormais poser pour lui. Les portraits de Madame Desjardins ou de La Commodore Droilly témoignent de cette haute société cosmopolite qui aimait à s’entourer des artistes les plus avant-gardistes. Van Dongen s’affirme comme le peintre officiel de la haute bourgeoisie et privilégie dès lors le format monumental dans la suite des effigies de la IIIe République. L’exposition restitue fidèlement son parcours, avec toutefois un accrochage quelquefois discutable qui ne réserve pas toujours le meilleur emplacement à des chefs-d’œuvre tels que Guus sur fond rouge ou la Jeune Fille à la bottine.

- MARTIGNY, Fondation Pierre Gianadda, rue du Forum 59, tél. 41 27 722 39 78, 25 janvier-9 juin, cat. éd. Fondation Gianadda, 215 p., 31 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°534 du 1 mars 2002, avec le titre suivant : Van Dongen, fauve et mondain

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