Depardon, une campagne censurée

L'ŒIL

Le 1 mars 2002 - 249 mots

Enfin sort le documentaire de Raymond Depardon sur la campagne de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Vingt-huit ans après, 50,81 % (le score de la victoire) est devenu 1974, une partie de campagne. Giscard lui-même, qui pourtant en eut l’idée, en bloqua longtemps toute diffusion. Jamais une exploitation commerciale ne fut envisagée, feint-il d’expliquer. Mais Depardon a raconté autrefois combien le Président trouva le film violent, au point d’en être « choqué ». Au prétexte d’une nouvelle échéance électorale, un accord a été trouvé : diffusé sur Arte à partir du 20 février, 1974, une partie de campagne sort au cinéma le 21. Le découvrant aujourd’hui, on se demande inévitablement ce qui motiva son interdiction. Et d’abord on est frappé, à la tribune des meetings, en avion, avec ses lieutenants, par le professionnalisme sobre de Giscard. Son ambition dévorante n’entame pas un self-control total. Ne pas s’attendre, donc, à un strip-tease intégral des méthodes politiciennes : deux ou trois phrases assassines sont le maigre butin du spectateur avide de sensationnel. Certes, le spectacle est un peu pauvre et trop lisse, mais c’est que Giscard, jusqu’au soir où, seul, il regarde à la télé les résultats du deuxième tour, en garde l’absolue maîtrise. Et sans doute est-ce cela que le cinéma direct de Depardon (équipe légère, son direct, plans longs, refus du commentaire) documente impitoyablement : moins les coulisses de la politique-spectacle que la nudité de la scène elle-même, le masque glacial qui toujours colle au visage du futur Président.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°534 du 1 mars 2002, avec le titre suivant : Depardon, une campagne censurée

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