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Foppa, nouvelle fortune critique

L'ŒIL

Le 1 mai 2002 - 697 mots

Lors de la conférence de presse consacrée au peintre Vincenzo Foppa, Michel Laclotte, membre du comité scientifique de l’exposition, confiait à l’auditoire que s’il lui arrivait un jour de rédiger ses mémoires, il mentionnerait au titre de ses ratages le fait de n’avoir pas acquis, lorsque l’occasion se présentait, d’œuvres de Foppa pour le Musée du Louvre. Méconnu du grand public, ce peintre renaissant (1430-1515), chef de file de la peinture lombarde avant l’entrée en scène de Léonard de Vinci (1482), bénéficie enfin d’une exposition monographique d’envergure au Musée de Santa Giulia de Brescia, ville où il a vécu une partie de son existence. La manifestation, présidée par l’ancien directeur du Louvre, préparée par Giovanni Agosti, Mauro Natale et Giovanni Romano, jette une lumière nouvelle sur la vie, la formation et la carrière de cet artiste lombard, le replaçant au cœur du réseau d’influences artistiques qui ont résolument orienté ses choix et façonné sa personnalité.
L’exposition s’ouvre sur ses années de formation en présentant un florilège d’œuvres emblématiques de la culture figurative à Brescia au milieu du XVe siècle. En 1444, une Annonciation de Jacopo Bellini prend place sur l’un des autels de Sant’Alessandro. « Il aura noté dans ce chef-d’œuvre quelques éléments qu’il pourrait se hasarder à citer, et sur tous, la lumière feutrée qui envahit l’atmosphère, des panneaux centraux jusqu’à la prédelle. Détails à subtiliser ou à retenir, peut-être pour toujours, en changeant seulement quelques signes et en baissant la tonalité des couleurs : les ailes multicolores de l’ange par exemple », imagine Giovanni Agosti. Ainsi, la première œuvre attribuée à Foppa, les Trois Crucifix de l’Académie Carrara de Bergame, témoigne de la formation locale du peintre qui suit les modèles vénitiens de Jacoppo Bellini et des frères Vivarini. Le retable de Sant’Alessandro, fraîchement restauré, renvoie également par de multiples emprunts au maître de Bellini, Gentile da Fabriano. Celui-ci fut actif à Brescia entre 1414 et 1419 au service de Pandolfo III Malatesta. Les fresques peintes au Broletto sont alors une véritable source d’inspiration pour Foppa qui y puise des modèles pour ses paysages. Selon André Chastel, le peintre emploie des tonalités sombres afin d’adapter les types florentins, notamment dans ses madones, comme celle du polyptyque de Sainte-Marie-des-Grâces (Brera). L’exposition se poursuit chronologiquement en présentant 60 tableaux du peintre mis en corrélation avec des œuvres contemporaines de Donatello, Andrea Mantegna, Donato de’ Bardi, Donato Bramante, Bramantino, pour ne citer que les plus connus. Vers 1455, l’artiste s’installe à Pavie et exécute deux tableaux conservés aujourd’hui au Minneapolis Institute of Art : Saint Siro et Saint Paul. Ces deux œuvres, faisant partie d’un même polyptyque, témoignent d’un changement stylistique radical. En effet, à cette époque Foppa est en contact avec le chantier de la chapelle Ovetari agli Eremiti de Padoue où avait travaillé Mantegna et ne pouvait ignorer l’autel en bronze de l’église Sant’Ambrogio réalisé par Donatello. Ainsi entre 1455 et 1462, la manière du peintre se modifie considérablement, oscillant entre des phases de dépendance envers les modèles padouans et une méditation inspirée des exemples flamands qu’ils voient aussi bien à Gênes qu’à la Cour de Milan. Il trouve peu à peu sa voie, élaborant un style que Chastel qualifie de « cassant, minutieux, fourmillant de lignes et de motifs serrés », qui le porte à reproduire le spectacle de la nature et le tempérament de chacun de ses personnages.
D’une importance majeure, les fresques qu’il réalise pour la chapelle Pigello Portinari dans l’église de Sant’Eustorgio à Milan, font l’objet d’une parenthèse thématique dans le parcours de l’exposition. Le prestige de Vincenzo Foppa est alors tel que Filarete dans son Traité d’architecture le cite parmi les meilleurs artistes du moment aux côtés de Filippo Lippi, Piero della Francesca, Andrea Mantegna, Cosmè Tura. L’exposition s’achève par la présentation des dernières œuvres du maître, mises en parallèle avec un chef-d’œuvre de Moretto, la représentation dramatique du Christ et l’ange de la Pinacoteca Tosio Martinengo, dans laquelle le peintre s’inspire de l’enseignement de Foppa en livrant une version austère et douloureuse de la Passion du Christ.

- BRESCIA, Santa Giulia, Museo della Città, 81/b, via Musei, tél. 800 76 28 11, cat. éd. Skira, 200 p., 3 mars-2 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°536 du 1 mai 2002, avec le titre suivant : Foppa, nouvelle fortune critique

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