Les mélodies de Melotti

L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 668 mots

Le contrepoint en musique désigne « l’art de composer en superposant des dessins mélodiques. Si l’harmonie combine des notes disposées verticalement, en accord, le contrepoint quant à lui combine des notes qui se succèdent suivant un dessin horizontal soumis à des règles ».

Le Musée Picasso d’Antibes intitule la rétrospective qu’il consacre à Fausto Melotti (1901-1986), « L’art du contrepoint ». Qu’elle soit présente explicitement ou parfois avec ses silences, la musique est partie intégrante de l’œuvre du sculpteur italien. Fausto Melotti compte parmi les principaux sculpteurs italiens du XXe siècle. Son œuvre réunit figuration, abstraction, arts plastiques, poésie et théâtre. Sa versatilité (Melotti sculpteur mais aussi peintre, céramiste et designer) est à l’image de son ambition : tendre à une synthèse des arts. Son amour de la musique ne fut pas un hasard, il est élevé dans un milieu de mélomanes, sa mère lui enseigne le piano et sa sœur est cantatrice. Mais c’est l’orgue qui sera pour Melotti l’instrument déterminant. Contrairement au piano, celui-ci ne permet pas l’expressivité du toucher du musicien, mais offre une multitude de possibilités de sons, « celles d’un orchestre qui serait synthétisé en un seul instrument », écrit la critique d’art Simonetta Fraquelli.

A la fin des années 1920, il décide de se consacrer aux arts plastiques, quand sa famille imagine pour lui une carrière musicale. Il développe alors une œuvre selon deux axes différents : d’un côté, une tendance figurative inspirée du peintre métaphysique De Chirico, de l’autre, une abstraction proche des préoccupations intellectuelles de Kandinsky et de la rigueur géométrique de Theo Van Doesburg. En 1935, il présente à la galleria del Milione de Milan une série de sculptures géométriques fondées sur le contrepoint. La guerre entraîne une transformation radicale de son œuvre. Il réalise alors essentiellement des céramiques, et travaille aux côtés de Gio Ponti. En 1944, il crée le premier de ses Teatrini, œuvres lyriques et narratives, comme autant de petites saynètes racontant l’histoire de l’humanité. « Dans les Teatrini, je n’ai pas abandonné l’idée rigoureuse du contrepoint, mais j’ai voulu créer quelque chose en un certain sens figuratif ‘‘cependant’’ le déplaçant dans un milieu abstrait et métaphysique », précise Melotti. Et à Simonetta Fraquelli d’expliciter cela en ces termes : « Avec leurs structures spatiales complexes et compartimentées, les Teatrini suggèrent des rythmes internes dans lesquels les figures ou les objets variés s’entremêlent inextricablement, à la façon dont, dans un pied, la poésie se confond à la mélodie et à son rythme ». Encore une fois, la musique est présente. Si pour Melotti, elle contribua à établir une grille de structure pour ses œuvres abstraites, elle ne fut pas le seul apanage de celles-ci. Curiosité et éclectisme ont toujours été au cœur de l’œuvre de Melotti. L’artiste commence à introduire dans son travail à partir de la fin des années 1950 des matériaux de récupération comme le fil de fer, le laiton ou le tissu. Cela l’entraîne vers des œuvres de plus en plus légères, diaphanes et filiformes, que certains qualifieront de « sculptures immatérielles ».

Principalement abstraites, elles trouvent souvent leur explication dans leur titre. Les œuvres des années 1970-80 seront la synthèse de toutes les expériences artistiques de Melotti, des séries intitulées Contrepoints, Thèmes, Variations. Puis, après ces dernières notes, le silence. Si à sa mort, Melotti fut reconnu comme un artiste important, il a longtemps été considéré comme un outsider. Il connaissait les dernières tendances artistiques, mais son œuvre ne s’y est jamais laissé enfermer. Cultivant sa personnalité, il fut délaissé par la critique et le marché de l’art, se renfermant de plus en plus sur lui-même. L’exposition du musée d’Antibes propose, avec une soixantaine de sculptures et quelques céramiques, une redécouverte de l’œuvre de Melotti. En présentant les premières œuvres des années 1920 jusqu’à celles des années 1980, cette première rétrospective en France tente de révéler toute la cohérence de cette œuvre variée.

ANTIBES, Musée Picasso, Château Grimaldi, tél. 04 92 90 54 20, www.antibes-juanlespins.com, 9 novembre-9 février, cat. 120p., 25 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Les mélodies de Melotti

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