Martin Kippenberger, affiches détournées

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 352 mots

Au centre de la cour d’honneur du château d’Oiron, l’étonnante et rose bonbon Colonial Tea Cup de Paul MacCarthy a remplacé la fontaine Renaissance qui s’y trouvait jadis. Cette œuvre – qui ouvre sur l’un des ensembles les plus magistraux qui soient en matière de commande publique et que recèle ce château – fait partie des collections du Frac Poitou-Charentes. Parfaitement adaptée au site et au concept de cabinet de curiosités qui en fonde la collection, elle compte parmi d’autres mises en dépôt en ce lieu par l’institution régionale dans le cadre d’une politique de déploiement de son fonds. A ce titre, Oiron accueille par ailleurs une exposition de l’artiste allemand Martin Kippenberger (1953-1997) constituée d’un ensemble de 74 affiches de son œuvre imprimé. Figure marquante de la scène internationale des années 1980-90, celui-ci a développé une œuvre prolifique et protéiforme, inclassable et iconoclaste, qui « virevoltait avec une légèreté et une vitesse fabuleuses dans le dialogue constant, affable de l’artiste avec l’art, son histoire et son aura » (Frank Frankenberg). Réunies en trois séries distinctes, les affiches présentées à Oiron témoignent de la conception pluridisciplinaire de l’art qu’avait l’artiste dans une dialectique visant la gestion de son œuvre, de sa production à sa consommation. Dans une manière qui n’est pas sans rappeler certaines pratiques dadaïstes et qui relève d’une économie autarcique, Kippenberger réinvestissait volontiers dans son travail tous les actes et tous les documents de sa propre biographie pour les intégrer dans toutes sortes de collages, photomontages et autres créations similaires. De la même façon qu’il acceptait le marché de l’art comme modèle de la réalité, il considérait sa propre aventure de création comme modèle artistique. Chacune des affiches que l’on peut voir dans cette exposition se joue ainsi des éléments imprimés qui la constituent par le parasitage d’images ou de textes qui opèrent en surimpression et qui, bien qu’extérieurs, sont investis de la même valeur. D’un point de vue plastique, Kippenberger témoigne d’un art consommé de ce type de support et d’une liberté de création qui caractérise son style.

OIRON, château, tél. 05 49 96 51 25, 15 novembre-9 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Martin Kippenberger, affiches détournées

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