Objets de curiosité

L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 336 mots

On associe spontanément son nom à l’Ecole de Vienne. Mais Julius von Schlosser fut d’abord, entre 1889 et 1922, conservateur des collections impériales de Vienne. Ce fils d’un haut fonctionnaire de l’administration militaire austro-hongroise et d’une mère italienne concentrait en sa personne tout l’esprit de la Vienne des derniers Habsbourg, la ville de Freud et Klimt, Hoffmannsthal et Schönberg, aristocratique et cosmopolite. Nommé au département des monnaies antiques, puis de la statuaire et enfin de l’artisanat d’art, il consacre des centaines de notices aux objets qui passent entre ses mains mais aussi à la culture de la curiosité et aux collections dynastiques d’Europe du Nord. En 1922, il s’engage dans la pédagogie et celui qui sera le professeur d’Ernst Gombrich et d’Otto Pächt entre alors au département d’histoire de l’art de l’Institut de recherches sur l’histoire autrichienne de l’université de Vienne. Il exercera une influence considérable sur les esprits venus l’écouter, exigeant d’eux des compétences précises en paléographie médiévale, par exemple, élaborant une méthodologie tout à fait nouvelle. Surtout, il fait ses cours devant les originaux des musées de Vienne, ramenant les étudiants à l’observation directe de préférence au concept abstrait. C’est cette primauté du regard qui apparaît dans ces quatre essais parus en 1921 et 1922 et qui se penchent sur huit petits objets conservés au Kunsthistorisches Museum de Vienne : la salière de Cellini, un buste de femme, cinq petits bronzes italiens et une vanité allemande. Ce que cette réflexion sur le savoir-faire technique et la « poésie pure » apporte sur la nature même de toute création, il faut laisser au lecteur le soin de le découvrir. Il suffit de dire qu’en refermant ce petit livre on est intimement convaincu de deux choses : on vient de connaître quelques heures de pur bonheur ; il est merveilleux qu’il se trouve un éditeur pour prendre le risque de proposer un tel bonheur.

Julius von Schlosser, Objets de curiosité, éd. Gallimard/Le Promeneur, coll. « Le Cabinet des Lettrés », Paris, 2002, 120 p., 14,5 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Objets de curiosité

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