Le mystère Grünewald

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 20 décembre 2007 - 397 mots

À cent cinquante kilomètres l’une de l’autre, deux expositions, à Colmar (France) et à Karlsruhe (Allemagne), mettent en lumière l’œuvre mal connue du peintre du retable d’Issenheim.

Qui connaît Matthias Grünewald (1475/1480-1528) ? Célèbre pour son époustouflant retable d’Issenheim (1512-1516), mais auteur d’un mince catalogue se résumant à vingt-cinq panneaux peints et à vingt-neuf feuilles dessinées recto-verso, la vie de ce maître de la peinture allemande reste nimbée de mystère.

Série d’hypothèses
Son nom même est encore sujet à caution : il aurait été forgé au XVIIe siècle par l’historien d’art Joachim von Sandrart, puis identifié plus tard – mais les avis sont encore partagés – à Mathis Gothart Nithart, né probablement à Aschaffenbourg (actuelle Bavière). Son apprentissage reste également totalement méconnu, même si plusieurs historiens d’art en ont fait un élève d’Albrecht Dürer ou un proche de Martin Schongauer. Rien ne permet aujourd’hui de vérifier ces hypothèses.
Si aucun voyage n’est documenté, il semble néanmoins que Grünewald ait eu connaissance de l’art italien, comme en témoignent certains morceaux de paysages et de draperies, proches de l’art de Léonard de Vinci. Enfin, hydraulicien de formation, le peintre n’a formé aucun élève et a achevé sa carrière en qualité d’ingénieur et de marchand de savon ! Autant de zones d’ombre qui expliquent le fait que Grünewald n’ait jamais été le sujet d’une quelconque exposition temporaire.
Deux musées, l’un français et l’autre allemand, ont donc joint leurs efforts pour proposer deux présentations complémentaires de son travail. La première se tient logiquement à Colmar. C’est en effet au musée d’Unterlinden de cette petite ville alsacienne qu’est conservé depuis 1852 le retable d’Issenheim. Œuvre saisissante et monumentale, ce polyptyque – qui ne peut être déplacé – a été accompagné de rares dessins préparatoires, mais aussi de travaux de ses contemporains documentant sa création.
La seconde exposition se tient à cent cinquante kilomètres de là, à Karlsruhe (Bade-Wurtemberg). La Staatliche Kunsthalle, qui possède quatre tableaux et un dessin de l’artiste, met à l’honneur l’art de Grünewald en regard de celui de ses illustres contemporains : Albrecht Dürer, Albrecht Altdorfer, Hans Burgkmair, Hans Baldung Grien, Lucas Cranach l’Ancien, Hans Holbein l’Ancien et Hans Holbein le Jeune, illustrant ainsi le tournant de la peinture germanique à l’aube de la Renaissance, avant le chaos provoqué par la Réforme (1517). Elle offre aussi l’occasion de réunir de manière exceptionnelle plusieurs panneaux de retables dispersés dans les collections allemandes et étrangères.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°598 du 1 janvier 2008, avec le titre suivant : Le mystère Grünewald

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