Jeppe Hein & Chloe Piene, questions de corps

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 20 décembre 2007 - 352 mots

Rien ne destinait vraiment le Danois Jeppe Hein, né à Copenhague en 1974, et l’Américaine Chloe Piene, née dans le Connecticut deux ans auparavant, à se retrouver dans une même exposition. C’est pourtant ce qu’a fait Françoise Cohen, la directrice du Carré d’Art de Nîmes, sous le prétexte qu’une « approche directe et en même temps distanciée du corps établit un pont » entre leurs œuvres. Mais, tandis que la démarche du premier affirme une filiation minimaliste, celle de la seconde est forte d’une dimension érotique façon Schiele, Bellmer et Artaud.
Néon, métal chromé, miroir, les œuvres et les installations de Jeppe Hein en appellent volontiers à l’intervention du public dans cette fascination qu’a l’artiste pour certains dispositifs que l’on peut voir dans les parcs d’attraction. À leur exemple, rien n’intéresse plus l’artiste que d’inviter le regardeur à réagir aux situations qu’il organise. À la différence de ses aînés de l’art minimal, Hein se saisit d’un cube ou d’une sphère non pour souligner leur présence littérale, mais pour les piéger dans des entreprises d’animation inattendues et décalées, voire perturbantes. Si son Spiral Labyrinth doit autant à Bruce Nauman qu’à Dan Graham, il présente un côté ludique que l’on ne trouve pas chez eux.
Les dessins et vidéos de Chloe Piene font du corps le vecteur d’une réflexion quasi existentielle sur le rapport qu’entretient l’artiste tant à l’idée de fantasme qu’à celle de réalité. Plus exactement, sur l’égale importance accordée par elle tant à l’un qu’à l’autre. « Le fantasme habille l’invisible », fait dire Chloe Piene à son double dans une singulière auto-interview. En quête d’un au-delà possible, tous les efforts de l’artiste visent la représentation d’un espace liminal et, dans cet objectif, elle reconnaît tout oublier quand elle dessine, « vraiment tout ». « À ce moment-là, les histoires, les personnages, y compris moi-même, tout disparaît », précise Chloe Piene. Condition sine qua non pour que surgisse la figure nécessaire.

« Jeppe Hein – Chloe Piene », Carré d’Art - Musée d’art contemporain, 16, place de la Maison Carrée, Nîmes (30), tél. 04 66 76 35 70, jusqu’au 20 janvier 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°598 du 1 janvier 2008, avec le titre suivant : Jeppe Hein & Chloe Piene, questions de corps

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