Musée

Mouans-Sartoux, « Nouvelle Simplicité » : art concret et architecture suisse

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 février 2003 - 643 mots

Ouvert au public depuis septembre 1990, à l’instigation de Gottfried Honegger et de Sybil Albers-Barrier, l’Espace de l’art concret n’a pas cessé de se développer.

À la fin de cette année, il comptera une nouvelle structure qui viendra en quelque sorte conclure le programme souhaité par ses deux fondateurs. Après l’aménagement du château en espaces d’exposition temporaire, puis la construction d’un atelier pédagogique destiné tout spécialement aux enfants, le nouveau bâtiment dont l’Espace de l’art concret va s’enrichir sera notamment dévolu à accueillir la donation Albers-Honegger. Si leur collection a servi jusqu’alors comme prétexte et réservoir pour l’essentiel de la programmation, elle ne disposait pas d’espace permanent de présentation. Ce sera donc bientôt fait. Construit par le cabinet zurichois Gigon & Guyer, en bordure du parc du château de Mouans-Sartoux, le nouveau bâtiment dresse d’ores et déjà ses façades en béton lasuré.

Pour Dominique Boudou, la directrice des lieux, cette nouvelle construction est l’occasion d’articuler la programmation de cette année avec diverses approches de l’architecture. Tout d’abord, une approche phénoménologique et analytique cet hiver avec l’exposition « Nouvelle Simplicité », puis sociopolitique cet été avec « Urban Codes », enfin syntaxique cet automne avec une monographie de « Peter Downsborough ».

Née d’un questionnement sur le lieu et l’œuvre, l’exposition que l’on peut voir actuellement à Mouans-Sartoux souligne par son titre le processus qui caractérise les intentions de l’architecture suisse contemporaine au regard d’un principe de réduction – qui n’est pas renoncement mais recherche de sens –, familier de l’art concret. À ce titre, elle vise à resituer le bâtiment de Gigon & Guyer dans son contexte culturel suisse et à mettre en place une sorte de dialogue entre œuvres et lieux. Pour ce faire, elle rassemble un choix d’œuvres de la donation Albers-Honegger et un lot de photographies de projets d’architectes suisses de la nouvelle génération apparue depuis une quinzaine d’années. Si ces artistes – entre autres Herzog & de Meuron, Andrea Bassi, Diener & Diener, Peter Zumthor, etc. – s’emploient à explorer non seulement de nouveaux domaines de sensibilité mais aussi de nouveaux matériaux, ils le doivent notamment à la collaboration d’un certain nombre d’entre eux avec des artistes plasticiens. La tendance que ces architectes partagent relève pour Dominique Boudou de la construction d’une nouvelle réalité, « celle d’une étonnante convergence entre réalisme (des matériaux) et abstraction (des formes) ». En quête de formes fortes qui éveillent des émotions justes, utilisant des matériaux justes, naturels, aux qualités tactiles et visuelles immédiates, les architectes suisses contemporains instruisent leur discipline sur le terrain de cette « nouvelle simplicité » et font « qu’elle porte en elle l’idée d’une architecture comme art » (Jacques Lucan).

Dans sa façon de réunir sous un même toit quelques images de ces architectes aux œuvres d’artistes comme Remy Zaugg, Carl Andre Helmut Federle, Adrian Schiess ou Günther Uecker, c’est-à-dire des travaux d’une extrême rigueur mais d’une totale ouverture d’esprit, « Nouvelle Simplicité » met en évidence ce qu’il en est de la possible collusion entre esthétique et éthique, quand l’une ne cherche pas à empiéter sur l’autre mais qu’elles convergent toutes deux au service de l’œuvre et du lieu. Ce qui rassemble encore les uns et les autres, c’est cette proximité avec la « concrétude des choses » dont parle Jacques Lucan, professeur d’architecture à l’École polytechnique de Lausanne, dans le catalogue de l’exposition, et que sanctionne, selon lui, non l’invention de formes inédites mais la connaissance des éléments mis en jeu dans la conception tant des œuvres que des bâtiments. Dans cette mesure, « Nouvelle Simplicité » relève finalement d’une expérience qui nous invite à appréhender l’art et l’architecture non « en termes d’écoles et de tendances mais plutôt en fonction de contextes individuels ou collectifs et de temps » (Dominique Boudou).

MOUANS-SARTOUX, château, Espace de l’art concret, tél. 04 93 75 71 50, 1er décembre-2 mars.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Mouans-Sartoux, « Nouvelle Simplicité » : art concret et architecture suisse

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