Avisseau fait vivre la comédie animale

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 1 février 2003 - 392 mots

Sur les rives de la Loire, en ce milieu du XIXe siècle, alors que Balzac finissait de détailler les péripéties de sa Comédie humaine, sous la main d’un autre artiste surgissait une comédie différente, celle qui se jouait au bord des ruisseaux, entre les bestioles grouillant sur le sable, sous les feuillages. Ce grouillement animal était la nouvelle passion de l’époque, désireuse de faire pénétrer la nature dans les lourds décors de ses salons parfois transformés en cabinets de curiosités. Celui qui devait exploiter cette veine était Charles-Jean Avisseau, né en 1795 d’un père tailleur de pierre. Il avait suivi des cours de dessin et n’avait jamais utilisé qu’une orthographe phonétique. Devenu en 1825 contremaître d’un atelier de peinture sur faïence, il s’installe à Tours en 1829 et crée des ornements pour des jardins ou des églises, perfectionnant sa connaissance des argiles et des émaux. Le coup de foudre se produit lorsqu’il voit, exposés à Tours, une coupe ajourée et un bassin rustique de Bernard Palissy. Au prix d’essais infructueux, de peines, de misères de toutes sortes, il s’efforce d’égaler les « rustiques figulines » et y parvient en 1843.
Ce sont alors pièces décoratives, bassins rustiques, paniers de pêche sur lesquels il déploie son amour (sinon sa connaissance exacte) de la nature servie par une technique éblouissante. Il suggère en un même objet la fluidité de l’eau, la viscosité des reptiles, la fragilité des plantes. Rien de doucereux pourtant.
Dans ces luttes au ras du sol, ce ne sont qu’affrontements silencieux, succès du plus fort, effroi et séduction de la mort, dans un cadre de sauvagerie primitive rendue encore plus violente par la somptuosité des couleurs. L’exposition « Un bestiaire fantastique. Avisseau et la faïence de Tours » à Limoges s’efforce de révéler le génie de ce créateur qui avait conscience de faire « de l’art pour l’art » et a enflammé de son enthousiasme une quinzaine d’émules, ses enfants Édouard et Caroline, Joseph Landais et son fils, Léon Brard, les Chauvigné père et fils, Carré de Busserolle qui, à leur tour, créeront d’autres écoles. Un beau catalogue les fait revivre tout en permettant aux passionnés de céramique de découvrir leurs techniques exposées en détail grâce aux recherches des musées de France.

LIMOGES, Musée national de porcelaine Adrien Dubouché, place Winston Churchill, tél. 05 55 33 08 50, 5 février-12 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Avisseau fait vivre la comédie animale

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