Anne Deguelle, de Fécamp à Paris

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 février 2003 - 367 mots

Qu’elle soit secondaire, surveillée ou d’artiste, la notion de résidence suggère l’idée d’un espace et d’un temps décalés par rapport à la norme. Il s’agit à la fois d’un lieu où le résident est invité à se tenir, voire à travailler, et de la durée envisagée de son séjour. Forcée, la résidence s’apparente à la notion d’exil avec tout ce que ce terme suppose de douleur et de séparation non désirées ; elle est alors à l’antipode de celle où un artiste est amené à vivre, invité à aller à la rencontre d’une situation nouvelle, hors du champ clos de son atelier. En répondant favorablement à l’invitation qui lui fut faite d’une résidence d’artiste à Fécamp l’an passé, Anne Deguelle savait parfaitement qu’elle allait y trouver matière à développer son travail. La présence de la bouteille de bénédictine – liqueur dont la petite ville normande est productrice – dans une note de Marcel Duchamp à propos du Grand Verre ne pouvait en effet que l’y attirer. En quête de situations mémorables, Anne Deguelle développe depuis de nombreuses années un travail qui vise à mettre en évidence leurs effets de pertinence, plus ou moins conscients, qui guident la création. Le rapprochement qu’elle établit – et qui n’est pas fortuit – entre la conception du Grand Verre et la structure même de l’usine de bénédictine est l’occasion pour elle d’inviter le personnel de cette entreprise à une prise de conscience inédite et motivée qui les conduit à porter un regard neuf sur le contexte de leur travail. D’un point de vue purement plastique, c’est l’occasion pour l’artiste d’imaginer, d’une part, la création in situ, avec les ouvriers, d’une installation de mille bouteilles en papier blanc virginal, de l’autre, une vidéo et une série d’images photographiques de la mer et des plages désertées qui renvoient à la situation particulière vécue par l’artiste au cours de cette résidence. Tous ces actes forment les arguments de l’exposition qu’Anne Deguelle présente chez Anne Barrault – une autre façon de déplacement qui ne manque pas de susciter un climat tout à la fois d’étrangeté et de poésie.

PARIS, galerie Anne Barrault, 22, rue Saint-Claude, IIIe, tél. 01 44 78 91 67, 9 janvier-22 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Anne Deguelle, de Fécamp à Paris

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