Patrick Corillon, entre fiction et réalité

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 février 2003 - 361 mots

L’art de Patrick Corillon est tout entier dévolu au texte et à la lecture. On connaît sa façon de mettre en scène toutes sortes d’histoires – dont Oscar Serti a été longtemps le héros inventé – dans des installations qui prennent en compte le lieu dans lequel il intervient. À l’instar d’un Marcel Duchamp déclarant que « c’est le regardeur qui fait l’œuvre », Corillon invite le spectateur à s’inventer ses propres images en lui proposant d’entrer dans une fiction dont il va suivre les étapes dans le lieu où elle se déroule. Ce principe en appelle doublement à la participation active d’autrui : de fait, la démarche de Corillon est fondée sur l’idée du déplacement tant physique que mental du regardeur. Au cours d’un parcours prescrit, il l’invite à rendre visible l’invisible, à faire son propre cinéma en projetant sur l’écran de son imaginaire les images que suggère son texte. L’air de rien, celui-ci guide toutefois celui-là puisqu’il l’oblige à une certaine déambulation, voire à suivre un certain protocole, de sorte que rien ne soit perdu de l’effet de narration que sous-tend le travail si déterminant de l’écriture.
Ce principe d’apparition d’histoires règle comme toujours les nouvelles pièces de l’artiste présentées cet hiver chez Fabienne Leclerc. Qu’il s’agisse de La Mémoire de l’œil, une installation vidéo interactive qui offre au spectateur l’occasion d’entrer dans l’espace même du texte, ou de ces Oblomons, de bien curieuses machines qui conduisent celui-ci à tourner en rond, ou de ces Spinosphères qui racontent d’étonnantes histoires de famille quand on les presse sur le nombril. Si la lecture constitue la condition nécessaire à l’existence du travail de Patrick Corillon, la part purement plastique n’est pas moins prégnante, tant tout est chez lui pensé et réalisé de façon à ce que la fiction, qui n’est autre ici qu’un postulat de la réalité, permette paradoxalement d’approcher au plus près celle-ci. Tant et si bien que le spectateur se laisse prendre au jeu du simulacre sans jamais vraiment pouvoir faire la part du vrai et du faux.

PARIS, galerie & : In Situ Fabienne Leclerc, 10, rue Duchefdelaville, XIIIe, tél. 01 53 79 06 12, 11 janvier-22 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Patrick Corillon, entre fiction et réalité

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