Fromanger

L'ŒIL

Le 1 février 2003 - 362 mots

« La peinture n’existe pas. Il n’y a que des peintres. Et encore des moments de peintres », écrit Gérard Fromanger avec une radicalité et une fougue que n’ont pas atténuées quarante années de pratique picturale. Ces propos font sourire son ami Serge July qui y voit une façon pour l’artiste d’oublier, d’effacer l’histoire de la peinture pour mieux avoir l’audace de peindre à son tour. Et sans doute a-t-il raison. Tout au long de ces pages il évoque l’histoire d’une amitié, du parcours, toujours exigeant, toujours dynamique d’un peintre, et retrace le portrait sociologique et politique des quarante dernières années du XXe siècle. Le témoignage, à coup sûr, vaut la peine d’être entendu, même si le goût en est doux amer. Comment comprendre que tous ces combats, ces couleurs, ces drapeaux (ceux, « contre-révolutionnaires », que Fromanger produisit en plein 68) et que ces idées tumultueuses aient fini par se fondre dans un tel appauvrissement du sens, chassé par le règne du virtuel ? Reprenons quand même ; l’amitié est née un beau matin de mai 1968 sur le campus d’une université nommée Nanterre entre un étudiant du mouvement du 22 mars et un jeune peintre qui a fondé l’Atelier populaire des Beaux-Arts. Le parcours de Gérard Fromanger est celui d’un jeune homme pressé, batailleur, pétri d’une vitalité peu commune. Parrainé par Jacques Prévert et Alberto Giacometti, apparenté à la Nouvelle Figuration, il entre très tôt dans la galerie d’Aimé Maeght. Il le quitte lorsque sa peinture abandonne les nus gris pour basculer dans la couleur, une couleur qui le libère. Elle l’accompagnera toujours désormais, à travers ses séries successives et urbaines, élaborées à partir de reportages photo dans les années 1970  – « Boulevard des Italiens », « Le peintre et le modèle », « Annoncez la couleur » – jusqu’aux séries de quadrichromie récentes. Et si la couleur est, dans les premiers temps, l’instrument d’une liberté collective et militante, elle revendique petit à petit la fondation d’une liberté individuelle désirante. Car c’est bien du désir que Fromanger apporte in fine à une époque qui en manque singulièrement.

Serge July, Fromanger, éd. Cercle d’art, Paris 2002, 288 p., 59 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Fromanger

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