Alfred Lichtwark : l’art moderne comme sacerdoce

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 mars 2003 - 344 mots

Une fois n’est pas coutume, c’est à l’exposant plutôt qu’à l’exposé que la Kunsthalle de Hambourg rend hommage. Pour le cent cinquantième anniversaire de Lichtwark, le musée se penche sur l’histoire de sa propre collection, tout en retraçant le parcours du célèbre directeur de musée. Incarnant une génération de conservateurs érudits autant qu’influents, Alfred Lichtwark (1852-1914) affiche au tournant du siècle une triple compétence : critique averti, historien de l’art et directeur de musée. Aux côtés de Wilhelm von Bode à Berlin, Woermann à Dresde ou encore Hugo von Tschudi, il participa à l’âge d’or des musées allemands durant la période wilhelmienne. Plus que ses éminents collègues, ce fut un ardent défenseur de l’art moderne, provoquant à Hambourg bon nombre de scandales et de polémiques dans les années 1890. Pour nourrir la collection du musée, qu’il dirigea vingt-huit années durant, Lichtwark équilibra ses choix entre exigences historiques et un goût sûr et instinctif pour une peinture affranchie de l’académisme régnant. Ainsi sélectionna-t-il de remarquables ensembles de peinture ancienne et d’audacieuses productions contemporaines. Au début du siècle, sa téméraire politique d’acquisitions divisa même la puissante bourgeoisie de la ville. Soucieux d’ouvrir le temple de la culture à la vie publique des citoyens, Lichtwark fut aussi de ceux qui imposèrent une inflexion moderne au concept de musée.
Il invita des artistes venus de tout le pays à produire des œuvres pour étoffer sa collection de peintures d’Hambourg, initiée en 1889 et achevée à sa mort en 1914, riche de plus de deux cents œuvres. Restée quasiment inchangée depuis, elle est aujourd’hui abordée comme un tout, solidement documentée et restituée dans sa plus grande partie. L’accent y est mis sur la peinture de paysage, fortement ancrée dans la tradition allemande, mais l’exposition rend également compte de la volonté d’ouverture de son initiateur. Aux côtés de Lovis Corinth, Wilhelm Uhde et Gotthard Kuehl, Lichtwark avait pris soin de convoquer Max Libermann, Anders Zorn autant que Vuillard ou Bonnard, témoignant par là de son engagement profond dans son époque.

HAMBOURG, Kunsthalle, tél. 42 85 42 612, jusqu’au 23 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Alfred Lichtwark : l’art moderne comme sacerdoce

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