Lucien Hervé et Anna Mark, les maîtres de l'ombre

L'ŒIL

Le 1 mars 2003 - 368 mots

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle il fut prisonnier, Lucien Hervé aspire à être peintre. La photographie n’est alors pour lui qu’une source de revenus. Le déclic sera sa rencontre avec Le Corbusier. Entre 1949 et 1965, il suit l’architecte dans ses différents projets, tout en travaillant aussi pour d’autres personnalités comme Niemeyer ou Prouvé et devient très vite celui que l’on considère aujourd’hui comme l’un des plus grands photographes d’architecture. Ses clichés dépassent l’intérêt documentaire. Très structurées, ses vues témoignent d’un goût affirmé pour le cadrage et le recadrage, pour l’abstraction géométrique et les perspectives obliques. Les personnages s’intègrent à l’architecture, les corps sont des silhouettes en osmose avec l’espace ; ils apportent à l’architecture son humanité. Plus intéressé par les détails qui en font l’âme que par le bâtiment dans son ensemble, il construit ses images à la manière d’un peintre, en jouant sur les lumières et les ombres. Tout comme le fait Anna Franck avec d’autres médiums, le couteau, la truelle, un mélange de poudre de marbre, de sable, d’oxyde et de résine pour élaborer ses Reliefs.
Des œuvres qui en appellent aussi à l’architecture. Comme le dit l’artiste elle-même, « Mes Reliefs sont des lieux [...] Mon travail est construit et fait appel à l’architecture ; mes lieux sont des lieux bâtis ». Anna Mark travaille sur la lumière qui fait apparaître ou disparaître tel ou tel élément, tel ou tel matériau de l’œuvre, sur les transparences, et, comme chez Lucien Hervé, sur les ombres. Le photographe affirme « composer chaque photo comme un tableau » tandis qu’Anna Mark « dessine avec l’ombre ». Elle présente également un ensemble d’œuvres graphiques, dessins et gravures qui jouent sur le vide et le plein, le trait et la surface, le blanc et le noir. En confrontant les travaux du photographe et de la plasticienne, tous deux d’origine hongroise et amis de longue date, l’exposition conçue par Jean-Pascal Léger trouve une vraie cohérence et crée un dialogue, des résonances entre deux œuvres qui à première vue n’avaient que peu de raisons de se rencontrer.

TOULON, hôtel des Arts, 236 avenue du général Leclerc, tél. 04 94 91 69 18, 22 février-13 avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Lucien Hervé et Anna Mark, les maîtres de l'ombre

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque