Art contemporain

Jacques Villeglé : prière d’afficher

Par Guillaume Morel · L'ŒIL

Le 1 mars 2003 - 408 mots

Jacques Villeglé (né en 1926) est un « ravisseur d’affiches », pour reprendre le titre de l’exposition de Vannes, depuis la fin des années 1940, lorsqu’il fait la connaissance de Raymond Hains (L’Œil n° 528).

C’est avec lui qu’il arrache et lacère sa première affiche pour leur œuvre commune Ach Alma Manetro. Appartenant au groupe des nouveaux réalistes (dont Pierre Restany signe le manifeste le 14 avril 1960) avec Hains, Arman, Dufrêne, Klein, Raysse, Spoerri, Tinguely, Rotella et César, Villeglé s’inscrit dans un mouvement plus général des années 1960, initié notamment par Marcel Duchamp, qui vise à s’éloigner des valeurs traditionnelles de la peinture et à redéfinir le statut de l’œuvre d’art. Avec Duchamp, le simple choix de l’artiste donne à l’objet une valeur esthétique. C’est le principe du ready-made, un objet du quotidien sorti de son contexte et exposé par l’artiste passe, par ce simple fait, du statut d’objet usuel à celui d’œuvre d’art. Pour Jacques Villeglé, l’art ne peut se résumer à l’acte d’étaler des couleurs sur une surface. Il faut descendre dans la rue et « voler la peau des murs », des palissades et des panneaux d’affichage, être à l’affût des formes, des couleurs, de tous les signes sociopolitiques appartenant à l’espace urbain. Considérés hors de leur contexte et réorganisés, ces éléments prennent un sens nouveau, créent un langage graphique et poétique. Son travail à partir d’affiches déchirées est un acte d’appropriation du réel, un art en prise directe avec le monde urbain. Les compositions de Villeglé vont au-delà du ready-made. L’artiste repère dans la rue les affiches ou les restes d’affiches publicitaires superposées, lacérées par les passants, les décolle puis les maroufle sur la toile. En laissant jouer le hasard des juxtapositions, mais aussi en accentuant telle ou telle déchirure afin de créer des rapprochements de mots ou d’objets, en ajoutant des graffitis,
il donne à ses compositions un sens tour à tour critique, politique et social. Villeglé bénéficie ce mois-ci d’une triple actualité : en plus de l’exposition vannetaise, on pourra le voir à Poitiers avec son étonnant « Alphabet sociopolitique », et enfin, pour les voyageurs, direction Buenos-Aires où le Quimpérois est également invité.

VANNES, musée des Beaux-Arts, 9 place Saint-Pierre, tél. 02 97 47 35 86, 21 mars-1er juin, cat. éd. musée de Vannes ; POITIERS, musée Sainte-Croix, 3 bis rue Jean Jaurès, tél. 05 49 41 07 53, 31 janvier-27 avril ; BUENOS-AIRES, Centro cultural Recoleta, 20 février-23 mars.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Jacques Villeglé : prière d’afficher

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