Lyon, l’art dans la ville

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 mars 2003 - 729 mots

Grâce à une politique dynamique de commandes publiques, la ville de Lyon se dote, depuis quelques années, d’œuvres aussi variées qu’originales.

À Lyon, l'art contemporain ne se décline pas seulement au temps de ses structures institutionnelles, de son réseau associatif (très actif) et de celui des galeries, il s'est également infiltré ici et là au sein de la vieille cité romaine par le biais de la commande publique. Cette modalité, qui est destinée à créer du lien social par l'implantation d'œuvres dans l'espace public, connaît en France un regain considérable depuis une vingtaine d'années. Qu’elle résulte de la mise en œuvre d’une politique spécifique, de l'application de la loi du 1 % ou du désir d'entrepreneurs privés d'améliorer leur environnement, il y va chaque fois d’un véritable pari. En ce domaine, si Lyon n'a rien à envier à aucune autre ville, il faut rendre grâce en tout premier lieu à l'action d'un individu – Georges Verney-Carron, le directeur de la dynamique galerie éponyme à Villeurbanne. Depuis plus de dix ans, sa passion pour l'art s'investit notamment dans l’assistance à la maîtrise d'ouvrage d’œuvres d’art contemporain dans le tissu urbain et il a contribué à faire de Lyon un vrai parc de sculptures.
L’exemple le plus significatif est le programme tout à fait inattendu qu’il a suscité dans l’univers souterrain des parkings de la capitale des Gaules. Pour le compte de Lyon Parc Autos, Georges
Verney-Carron en a complètement repensé le concept de parking confiant leur aménagement intérieur à Jean-Michel Wilmotte, leur signalétique à Yan D. Pennor’s et leur environnement artistique à des artistes comme Morellet, Buren, Verjux, Matt Mullican, Marin Kasimir ou Jody Elff selon le cas. Néons géométriques, tour sans fin rayée et miroitante, projections lumineuses, inscriptions, photographies, installation sonore font de ces parkings de hauts lieux de l’art contemporain. Pour un peu, on aurait envie d’y rester !
De même, on resterait volontiers dans le nouveau tramway construit par le Sytral et dont les deux lignes inaugurées en décembre 2000 sont une autre occasion pour aller à la découverte de la création la plus actuelle. Les cinq artistes qui ont été invités à y intervenir ont imaginé là tout un lot d’œuvres qui empruntent aux formes les plus avancées d’une production artistique prospective quand elle prend en compte un contexte aussi contingent que dynamique. Bill Fontana et sa sculpture sonore, Pierrick Sorin et son théâtre-vidéo, Jean-Jacques Rullier et sa table d’orientation, Bruno Yvonnet et ses images de la comédie humaine, Cécile Dupaquier et son dialogue lumineusement interactif sont autant de façons d’interpeller les usagers du tramway et de leur proposer de s’extraire de la réalité d’un voyage pour en expérimenter un autre.
Plus terre à terre, l’intervention que Buren – encore lui ! – a imaginée place des Terreaux. Si elle est moins spectaculaire que les colonnes du Palais-Royal à Paris, elle n’en est pas moins juste et réussie. L’espèce de discrétion et de retrait avec lesquels l’artiste a imaginé tout un dispositif de jets d’eau et de marquages au sol est à la mesure d’une situation autre, différente tant par son cadre architectural que par son implication directe dans le tissu urbain.
Pour sa part, sollicité pour réaliser une œuvre dans le cadre du 1 % lors de la construction du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon (3 quai Chauveau, IXe), Giuseppe Penone y a conçu une œuvre en bronze d’une très grande puissance poétique. Intitulée Sofio di foggiore interno/esterno, elle est constituée à l’extérieur d’un jeu d’éléments végétaux en forme de réceptacle que prolonge un conduit qui circule jusqu’à rejoindre l’intérieur de l’édifice reliant ainsi le dehors au dedans. Il y est question de flux et d’énergie vitale, c’est-à-dire de rythme, de respiration et de souffle, le propre même de ce qui fait la musique.
Une autre façon d’intégration subtile et judicieuse est enfin celle qu’a réalisée Cécile Bart pour le centre hospitalier Saint-Joseph et Saint-Luc, sur les quais du Rhône, face à la gare de Perrache. Les jeux de plans de couleurs qu’elle a imaginés en façade et à l’intérieur du bâtiment, appelant des matérialités tantôt opaques, tantôt transparentes, créent tout un monde de modulations qui confèrent à ce lieu quelque chose de proprement radieux, suscitant chez ceux qui le fréquentent une vision réjouie bienvenue. Dans tous les cas, voilà un exemple qui fait de l’art contemporain un vecteur positif et stimulant !

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Lyon, l’art dans la ville

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