Matisse de Nice

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 avril 2003 - 336 mots

Si Matisse adopte définitivement la Côte d’Azur dans les années 1920, la « période niçoise », dont le musée des Beaux-Arts de Nantes se fait succinctement le relais, désigne dans le jargon des historiens les années précédant son voyage à Tahiti en mars 1929. Elle désigne encore une unité de manière supposée. Dissociée des hardiesses formelles et de la puissante simplicité des grandes compositions des années 1910 ; dissociée des couleurs pures, des formes nettes aux contours épurés des années 1930. « Voici le fauve ensoleillé devenu un petit chat de Bonnard. » Ainsi Cocteau juge-t-il en 1919 l’inflexion prise alors par la peinture de Matisse. Soupçonnée d’un retour à l’ordre complaisant, la « période niçoise » fit longtemps l’objet d’une littérature des plus réservée avant de réintégrer discrètement et à juste titre la belle unité plastique de l’œuvre matissienne. Sans véritablement marquer une conversion brutale, les premières années du peintre à Nice privilégient une technique et un vocabulaire singuliers. Dès 1917, Matisse y séjourne régulièrement. Dans le même temps, sa peinture semble traduire la luminosité méditerranéenne par des couleurs délicatement accordées, au service de compositions intimistes, dominées par la figure féminine et le raffinement des décors. La vingtaine de toiles réunies pour l’exposition de Nantes dévoilent des intérieurs saturés de détails, paravents, tentures, tapis, miroirs ou papiers peints à fins motifs. Le modelé, le clair-obscur servent un espace plus conventionnel (quoique complexe), sans pour autant négliger les relations spatiales entre chacun des éléments de la composition.
La figure de la femme nue, offerte, de l’odalisque langoureuse (très présente à Nantes) déclinée à plusieurs reprises par le peintre et empruntée à ses expériences marocaines, domine sans nul doute l’hédonisme élégant de ces quelque six années de peinture intimiste. Le passage emprunté n’en demeure pas moins l’occasion d’exercer une subtile et parfaite maîtrise technique, d’éprouver des jeux spatiaux inédits et d’interroger une fois encore et fermement le médium pictural.

NANTES, musée des Beaux-Arts, 10 rue Georges Clemenceau, tél. 02 40 41 65 65, 7 mars-2 juin 2003

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°546 du 1 avril 2003, avec le titre suivant : Matisse de Nice

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