Gàbor Ösz, chambres avec vue

L'ŒIL

Le 1 avril 2003 - 353 mots

Plusieurs constantes caractérisent le travail photographique de Gàbor Ösz. La première est la technique ; l’artiste n’utilise pas d’appareil photographique à proprement parler, mais un sténopé, procédé qui consiste à recueillir directement sur papier des images obtenues au moyen d’un trou faisant office d’objectif photographique, pratiqué dans une chambre noire. Le second est que la pratique de cet artiste hongrois installé aux Pays-Bas semble procéder autant d’un questionnement sur la photographie que sur l’architecture.
Avec le projet Prora présenté actuellement, l’artiste s’intéresse à un bâtiment situé face à la mer, vestige à l’abandon de l’Allemagne nazie. Il s’agit là de la plus longue « barre » résidentielle jamais réalisée. Entre 1936 et 1939, 3 kilomètres d’un immeuble qui aurait dû en mesurer 4,5 furent construits. Le bâtiment, qui illustrait l’idée que se faisait le national-socialisme du tourisme populaire, fut transformé en camp militaire du temps de l’ex-RDA.
Gàbor Ösz nous en montre les chambres abandonnées. Pour réaliser ces images, il a construit une chambre mobile, une caisse sur roulettes, ajustée aux dimensions des couloirs dans lesquels il l’a promenée en longs travellings, s’arrêtant sur le seuil de chaque chambre.
Chaque photographie est en fait la surimpression de l’image de toutes les chambres distribuées par un même couloir. Ces lieux étant tous identiques, seule la ligne des arbres qu’on voit par les fenêtres devant la mer et les taches de soleil sur les parquets nous signalent cette surimpression.
Les photographies prises à la chambre et au sténopé sont fascinantes ; à la limite de l’apparition magique, elles semblent aussi être au seuil de la dissolution. On s’interroge sur l’existence physique des lieux représentés dont les détails banals, le néon, le radiateur, et jusqu’au procédé, nous disent pourtant la tangibilité. C’est que ces chambres percées par une fenêtre centrale sont, par leur cadrage et donc leur position physique au moment de la prise de vue, le redoublement exact de la chambre noire. Un travail étonnamment cohérent où l’élément architectural avec lequel il est associé se transforme en pur lieu mental.

PARIS, galerie Hervé Loevenbruck,40 rue de Seine, 2 rue de l’échaudé, VIe, 13 mars-10 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°546 du 1 avril 2003, avec le titre suivant : Gàbor Ösz, chambres avec vue

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